Plus de la moitié de la population mondiale vit dans des pays où la liberté religieuse est violée, déplore l’Aide à l’Église en détresse (AED). De plus, au cours des deux dernières années, «le niveau de violence et de répression à l’encontre des communautés religieuses s’est aggravé».
En 2021 et en 2022, la communauté internationale, davantage préoccupée par l’urgence sanitaire puis par l’invasion de l’Ukraine, a détourné son regard sur ces violations et ne les a pas condamnées. Cela a créé une «situation d’impunité inédite», estime l’organisme dans l’édition 2023 de son Rapport sur la liberté religieuse dans le monde.
Selon ce rapport, la liberté religieuse a été violée dans 61 pays sur les 196 étudiés. Dans 28 de ces 61 pays, l’organisme évoque des persécutions, alors qu’il observe des discriminations envers les groupes religieux dans les 33 autres pays. De plus, 22 pays ont été classés en observation «pour lesquels de nouveaux facteurs de préoccupation sont susceptibles de provoquer une rupture fondamentale de la liberté de religion».
Carte géographique synthèse
Dans ce rapport bisannuel se trouve une carte du monde où prédomine la couleur rouge, soit les contrées où l’on observe des persécutions. Des pays comme l’Afghanistan, le Soudan, la Chine et l’Inde sont ainsi colorés, ces deux derniers étant même considérés «parmi les pires contrevenants à la liberté religieuse» dans le monde.
Dans ces pays, l’AED y déplore notamment «le contrôle de l’accès à l’emploi, à l’éducation et aux services de santé, l’installation d’une surveillance de masse, l’imposition d’obstacles financiers et électoraux et le refus de faire respecter la loi et l’ordre lorsque certaines communautés confessionnelles sont attaquées par des foules locales ou des terroristes».
La fiche du Nicaragua, par exemple, rappelle qu’actuellement, dans ce pays d’Amérique centrale, «toute critique de la gestion de la crise sociale par le gouvernement est réprimée» tandis que l’Église catholique est particulièrement visée. Des dirigeants religieux ont été arrêtés et même condamnés à la prison, le nonce apostolique et des congrégations religieuses entières ont été expulsés et «des biens religieux et caritatifs ont été confisqués» par l’État.
Silence complice
Directrice nationale d’Aide à l’Église en détresse Canada, Marie-Claude Lalonde a examiné les données contenues dans le Rapport sur la liberté religieuse dans le monde, un document publié par les instances internationales de l’AED.
Elle constate que la situation des femmes qui sont membres de minorités religieuses ne va pas en s’améliorant. «On voit bien que, dans plusieurs pays, les femmes sont toujours victimes d’enlèvements, de violences sexuelles, d’esclavage et de conversions forcées», dit-elle. La traite des êtres humains, qui affecte majoritairement les femmes et les jeunes filles, serait alimentée par l’aggravation de la pauvreté et l’intensification des conflits armés.
Marie-Claude Lalonde souligne aussi que chaque page de ce rapport illustre à grands traits le silence de la communauté internationale. «C’est clair, on ne veut tout simplement pas sévir contre certains pays», déplore-t-elle en entrevue téléphonique.
«Parce qu’on a des ententes et des relations commerciales, on tolère qu’il y ait de la discrimination, de la persécution religieuse et même des atteintes aux droits de l’Homme.» Elle n’hésite pas à mentionner le cas de la Chine où «le contrôle omniprésent de l’État s’applique à tous les cultes religieux» et où des minorités religieuses sont persécutées. La communauté internationale est bien au courant de ces violations, dit-elle, mais «elle demeure silencieuse».
«Si on est silencieux, cela veut dire qu’on n’agit pas», lance la directrice nationale de l’AED Canada. «Bien des pays, dont le nôtre, n’agissent pas lorsqu’il est question de liberté religieuse. On ne veut pas nuire à nos échanges économiques.»
«Notre silence, finalement, est un silence complice», tranche-t-elle.