La courte prière récitée à huis clos au début de chaque séance de la Chambre des communes ne sera pas abolie, ont décidé mercredi les députés.
Si 56 députés ont appuyé la motion présentée la veille par les députés bloquistes, 266 ont voté contre.
Jagmeet Singh, le chef du Nouveau Parti démocratique, a voté en faveur de la motion, tout comme le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet. Le premier ministre Justine Trudeau ainsi que la cheffe intérimaire du Parti conservateur, Candice Bergen, ont indiqué leur désaccord.
Mercredi, durant la période consacrée aux questions orales des députés, le chef bloquiste Yves-François Blanchet a demandé au premier ministre s’il allait voter pour l’abolition de cette «prière de soutien à la monarchie britannique» ou s’il allait plutôt appuyer le «maintien du pouvoir symbolique de la religion et de la monarchie au Canada et au Québec».
Le Bloc québécois est si désespéré «qu’il cherche la chicane où il n’y en a tout simplement pas», a répliqué Justin Trudeau.
Débat de cinq heures
Mardi, le débat sur la motion du Bloc québécois a duré plus de cinq heures.
«Certaines personnes à la Chambre pourraient sentir que nous empiétons un peu sur leurs convictions et que nous nous y attaquons, mais je veux vraiment préciser que ce n’est pas le cas», a alors indiqué le député bloquiste Martin Champoux, immédiatement après la lecture d’une motion exigeant que la prière récitée au début de chaque séance soit abolie et remplacée par un moment de réflexion.
«Ce que nous proposons aujourd’hui, c’est de réfléchir à une pratique qui a peut-être survécu à son époque, et qui n’a peut‑être plus la pertinence qu’elle avait au moment où elle a été instaurée. Le sujet est délicat, c’est peut-être la raison pour laquelle personne n’avait vraiment jugé opportun de soumettre la question à une discussion franche et ouverte comme je le fais aujourd’hui», a ensuite déclaré le député de Drummond, reconnaissant avoir développé, au fil des années, sa «propre zone de confort spirituel, loin de la religion».
«Il est patent que le Parlement canadien n’a pas encore consommé le divorce, à mon sens nécessaire, entre l’Église et l’État, parce que toute croyance porte en elle-même son hégémonie», a ajouté la bloquiste Marilène Gill. Pour la députée de Manicouagan, «la foi relève de l’individu, non de la société».
«Une croyance ne s’impose pas. On ne peut obliger la société à agir selon des croyances individuelles imposées. L’État doit être neutre, l’État doit être laïque.» La député Gill a reconnu se tenir «derrière les rideaux lorsqu’on doit réciter la prière», au début de chaque séance.
28 secondes
Le député conservateur Gérard Deltell a raconté avoir chronométré le temps qu’il faut pour lire la prière. «Cela prend exactement 28 secondes. Nous sommes donc rassemblés pour parler de cela aujourd’hui», a-t-il déploré.
Il a rappelé que chaque jour, «juste avant qu’on ouvre les portes à tous les gens qui entrent à la Chambre des communes et que la télévision commence à diffuser les débats, la présidence arrive à la Chambre et s’installe dans le fauteuil. Les discussions se tiennent à huis clos. Le Président fait lecture d’une prière qui, comme je le disais, dure environ 30 secondes. La lecture de la prière est suivie d’un moment de réflexion. C’est la tradition. Une fois que cela est fait, on ouvre les portes.»
Le député de Louis-Saint-Laurent a déclaré ne pas se souvenir «que quelqu’un ait soulevé un problème par rapport» à la prière récitée à la Chambre des communes.
«À la Chambre se trouve la mosaïque canadienne dans toute sa splendeur. On y retrouve des gens qui sont athées et des gens de confession chrétienne, musulmane ou de toute autre confession. Je ne me souviens pas que quelqu’un ait été mal à l’aise lors de cette procédure.»
Le député néodémocrate Charlie Angus a indiqué avoir été excommunié pour avoir défendu les droits des couples de même sexe. «Je le referais sans hésiter, alors je comprends l’importance de la séparation entre l’Église et l’État», a-t-il déclaré.
Mais il a dit ne pas comprendre pourquoi les députés du Bloc québécois ont voulu débattre, durant plusieurs heures, d’un sujet qui n’intéresse pas la société civile. «Pourquoi propose-t-on ici un débat sur un élément de procédure parlementaire auquel personne au Canada n’a probablement prêté beaucoup d’attention et dont personne ne connaît même l’existence, alors qu’il y a tant d’autres questions urgentes à traiter?», a-t-il demandé.
Mercredi, le député Angus, contrairement à la plupart des élus néodémocrates, a voté contre la proposition du Bloc québécois.