Qualifié par le gouvernement canadien d’«agent de désinformation russe», le patriarche Cyrille, le chef de l’Église orthodoxe russe, fait dorénavant partie des personnes sanctionnées par le Canada en raison de leur soutien à «l’invasion illégale et injustifiable de l’Ukraine par la Russie».
Annoncée le 8 juillet, cette nouvelle n’a guère été ébruitée par les médias canadiens. C’est que dans la liste des 30 personnes sanctionnées rendue publique par Mélanie Joly, la ministre des Affaires étrangères, les observateurs n’ont vu que le nom de Vladimir Mikhailovich Gundyayev.
Cet individu, né le 20 novembre 1946 précise-t-on, «porte la responsabilité de permettre et de soutenir l’invasion non provoquée et injustifiée de l’Ukraine par la Russie» tout comme 29 autres personnes.
Ce que le gouvernement canadien n’avait toutefois pas mentionné c’est que ce Vladimir Gundyayev n’est nul autre que Cyrille, le patriarche de Moscou et de toutes les Russies, élu après le décès de son prédécesseur, le patriarche Alexis II, en décembre 2008.
«Le Canada ne restera pas inactif alors que le président Vladimir Poutine mène sa guerre illégale et injuste et cherche à la justifier par la désinformation, la manipulation et la propagande», a déclaré la ministre Joly.
«La machine de propagande russe doit répondre de ses mensonges», a-t-elle ajouté. «Le Canada est déterminé à combattre la désinformation, partout et en tout temps. Aujourd’hui, nous disons clairement à ceux qui propagent la tromperie: vous en serez tenus responsables.»
Le patriarche de Moscou n’a pas dénoncé l’invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 février 2022. Jamais, non plus, n’a-t-il utilisé le terme «invasion». Il a plutôt mentionné que les soldats russes, qu’il a bénis à diverses occasions, participent à une «opération militaire spéciale».
Le 27 février 2022, il a demandé aux fidèles «de prier pour le rétablissement de la paix, pour le rétablissement de bonnes relations fraternelles entre nos peuples», la Russie et l’Ukraine.
«Nous devons éviter que des forces extérieures sombres et hostiles se moquent de nous; tout doit être fait pour préserver la paix entre nos peuples et, en même temps, protéger notre patrie historique commune contre tous les actes venant de l’extérieur, qui peuvent détruire cette unité», avait-il déclaré avant de demander à Dieu de «protéger la terre de Russie des ennemis extérieurs et des troubles intérieurs».
«Que, par la grâce de Dieu, toutes les tentations, mensonges, provocations s’éloignent, et que notre peuple pieux en Ukraine puisse jouir de la paix et du calme.»
Réactions aux sanctions
Les sanctions annoncées par la ministre Joly, le 8 juillet, font partie «d’un plan à grande échelle visant à affaiblir le rôle et l’autorité de l’Église orthodoxe, sa mission spirituelle dans le monde moderne et la destruction des valeurs morales qu’elle prêche», a réagi l’archevêque Theodosios de l’Église grecque orthodoxe de Jérusalem. Ses propos ont été diffusés par le patriarcat de Moscou.
«Les provocations contre le primat de l’Église sont des provocations contre toute l’Église orthodoxe», a-t-il ajouté avant d’appeler «les forces politiques occidentales à mettre fin à ces attaques hostiles contre Sa Sainteté le patriarche Cyrille. Il ne représente les intérêts d’aucune partie au conflit politique, mais il est un partisan du dialogue pacifique.»
À Montréal, il n’a pas été possible d’obtenir les réactions de l’archevêque Gabriel, le chef du diocèse de Montréal et du Canada de l’Église orthodoxe russe hors frontières, une Église en communion avec le patriarcat de Moscou.
Le père George Lagodich, prêtre à la cathédrale orthodoxe russe Saint-Nicolas, a indiqué qu’il n’était pas habilité à commenter les aspects politiques liés au conflit en Ukraine. «Nous sommes une petite Église. Mais notre position a toujours été claire. Nous sommes contre la guerre et toutes les atrocités qui en découlent. Nous faisons tout pour aider les gens d’Ukraine», dit-il. Il explique que les familles ukrainiennes qui font partie de sa paroisse ont réussi à acheminer plus de 350 000 $ en aide d’urgence.
Au moment de publier ces lignes, l’Église orthodoxe en Amérique, aussi reconnue par l’Église orthodoxe de Russie, n’avait pas répondu à notre demande de commentaires.
Le mardi 2 août, la ministre des Affaires étrangères Mélanie Joly a annoncé une nouvelle série de sanctions, cette fois contre 43 responsables militaires et 17 institutions «qui sont complices de l’effusion de sang insensée du président russe Vladimir Poutine, y compris les événements horribles de Boutcha en Ukraine».
Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 février 2022, le Canada a imposé des sanctions contre plus de 1 150 personnes et entités liées à la Russie, à l’Ukraine et au Bélarus, indique le ministère.