Murray Sinclair est déçu. L’ex-sénateur et président de la Commission de vérité et réconciliation, dont le rapport a exigé que le chef de l’Église catholique vienne présenter des excuses aux survivants et aux familles des élèves qui ont fréquenté des pensionnats pour Autochtones, estime que le pape François n’est pas allé assez loin, lundi, à Maskwacis, en Alberta.
«Je tiens à reconnaître l’importance des excuses du pape pour les survivants, leurs familles et leurs communautés», a-t-il d’abord expliqué. «Pour de nombreux survivants, je sais que le fait d’entendre les mots de contrition du pape a été, et est toujours, un facteur important dans leur rétablissement et leur croissance. Mes pensées et mes prières les accompagnaient pendant qu’ils écoutaient.»
Mais pour l’ex-sénateur, «la déclaration du Saint-Père a laissé un trou profond dans la reconnaissance du rôle complet de l’Église dans le système des pensionnats, en plaçant le blâme sur des membres individuels de l’Église».
L’Église catholique n’a pas été qu’un agent de l’État, «ni un simple participant à la politique gouvernementale». Elle fut plutôt l’un des auteurs principaux «des chapitres les plus sombres de l’histoire de ce pays».
Les évêques catholiques et les supérieurs des congrégations religieuses qui ont géré des pensionnats ont «non seulement permis au gouvernement du Canada d’agir, mais ils l’ont poussé encore plus loin dans son travail de génocide culturel des peuples autochtones», ajoute Murray Sinclair.
«Dans de nombreux cas, il ne s’agissait pas seulement d’une collaboration, mais d’une instigation.»
Murray Sinclair, le premier juge autochtone dans l’histoire du Manitoba et le deuxième dans l’histoire du Canada, a même déclaré, sans plus de précisions, qu’il «existe des exemples clairs dans notre histoire où l’Église a demandé au gouvernement du Canada d’être plus agressif et audacieux dans son travail de destruction de la culture, des pratiques traditionnelles et des croyances autochtones».
Appel à l’action 58
Le volumineux rapport de la Commission de vérité et réconciliation du Canada (CVR) contenait 94 appels à l’action, visant majoritairement le gouvernement fédéral. Six appels à l’action concernaient les diverses Églises canadiennes qui ont administré des pensionnats autochtones. Un appel à l’action – le numéro 58 – exigeait que le chef de l’Église catholique lui-même présente des excuses.
Trois Églises canadiennes (unie, presbytérienne, anglicane) avaient déjà présenté leurs regrets et demandé pardon pour leur rôle dans l’administration des pensionnats, et cela bien avant la publication du rapport de la CVR.
Mais, ont amèrement reconnu les auteurs de ce rapport, «l’Église catholique romaine du Canada ne dispose pas d’un interlocuteur ayant le pouvoir de représenter l’ensemble des nombreux diocèses et ordres religieux qui la composent».
«La présentation d’excuses ou la déclaration de regrets est laissée à l’initiative de chacun. Il en a résulté un fouillis de déclarations dont bon nombre de survivants et de religieux n’auront jamais connaissance», avaient-ils écrit dans leur rapport.
C’est pourquoi ils avaient réclamé que le pape vienne au Canada afin «de présenter, au nom de l’Église catholique romaine, des excuses aux survivants, à leurs familles ainsi qu’aux collectivités concernées pour les mauvais traitements sur les plans spirituel, culturel, émotionnel, physique et sexuel que les enfants des Premières Nations, des Inuits et des Métis ont subis dans les pensionnats dirigés par l’Église catholique».