«Je me demande sérieusement si la ligne de séparation entre ce que l’État peut et ne peut pas dicter aux diverses communautés religieuses ne vient pas d’être franchie avec cette obligation de présenter des passeports vaccinaux à l’entrée de nos églises», estime un évêque catholique trois jours après que le premier ministre du Québec ait annoncé un resserrement des mesures sanitaires et indiqué que le passeport vaccinal serait dorénavant requis dans les lieux de culte.
Ces restrictions «imposées par le gouvernement du Québec» ont visiblement choqué l’évêque de Pembroke. Selon Mgr Guy Desrochers, «l’exclusion des non-vaccinés à nos célébrations habituelles» et la réduction du nombre de fidèles présents dans les églises «viennent créer encore plus de division et de ressentiment entre les membres de nos communautés».
Dans un message public intitulé Un Noël pas ordinaire!, l’évêque de ce diocèse ontarien qui compte quelques paroisses au Témiscamingue, membre de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec (AECQ), reproche notamment aux autorités sanitaires québécoises d’avoir confié aux responsables ecclésiaux «la tâche de jouer au gendarme à l’entrée de nos églises, afin de vérifier si les fidèles possèdent leur passeport vaccinal».
«Aucun fondement scientifique»
Cette mesure «ne comporte aucun fondement scientifique, puisque même les vaccinés peuvent être contaminés et en contaminer d’autres, comme l’ont révélé les scientifiques et les médias encore dernièrement», estime Mgr Desrochers dans un message publié en français et en anglais le lundi 20 décembre 2021.
«Comment pouvons-nous justifier cette idée d’imposer un passeport vaccinal, comme si, par magie, on pouvait ainsi éviter la contamination?», demande-t-il.
«Depuis les tout-débuts de la pandémie, nos églises ont suivi scrupuleusement les multiples normes des autorités sanitaires et ont contribué à empêcher toute propagation du virus dans nos assemblées», rappelle l’évêque de Pembroke. «À présent, c’est comme si tout-à-coup, le gouvernement n’a plus confiance dans les mesures qu’il a lui-même imposées aux lieux de culte.»
Traités «plus sévèrement»?
Il estime que le gouvernement québécois traite «plus sévèrement» les lieux de culte que les «épiceries et de nombreux commerces». Il souligne aussi que le Code de droit canonique, qui régit la conduite des fidèles et des institutions catholiques du monde entier est formel: «aucun fidèle ne doit être privé des sacrements». Mais, «nos gouvernements se foutent carrément du Code de droit canonique», écrit-il avant de demander aux catholiques de son diocèse d’interpeler leurs députés afin qu’ils modifient «cette loi qui outrepasse en fait le rôle et le devoir que [les gouvernements] doivent jouer dans notre société».
Les mesures sanitaires concernant les lieux de culte ne sont pas le fruit d’une loi mais bien de décrets ministériels. La majorité des mesures sont par ailleurs contenues dans un protocole sur lequel la Table interreligieuse de concertation, dont fait partie l’AECQ, et les autorités publiques se sont entendues.
En soirée, le mercredi 22 décembre, l’AECQ n’a pas souhaité commenter la déclaration de Mgr Guy Desrochers ni celle, toute récente, du cardinal Gérald Lacroix, l’archevêque de Québec, sur la suspension des célébrations publiques jusqu’au 10 janvier 2022. «Chaque diocèse est autonome dans ce genre de décisions», a-t-on indiqué.