En 2021, les services policiers canadiens ont reçu 3 360 dépositions liées à des crimes haineux. C’est une augmentation de 27 % par rapport à l’année précédente, indique une étude que vient de publier Statistique Canada. En 2020, 2 646 crimes haineux avaient été déclarés aux services de police.
L’agence fédérale indique que cette hausse de crimes haineux est «en grande partie attribuable» à l’augmentation du nombre de crimes haineux qui ciblent une religion ou s’attaquent à l’orientation sexuelle d’une personne, à sa race ou à son origine ethnique.
Les crimes haineux qui visent une religion ou des fidèles d’un groupe religieux ont carrément atteint un sommet historique en 2021, après avoir diminué en nombre durant quelques années, révèle aujourd’hui Statistique Canada.
884 crimes ciblant une religion
En 2021, 884 crimes haineux ciblant une religion ont été déclarés. «C’est une augmentation de 67 %» par rapport aux données de 2020, fait observer l’analyste Warren Silver de Statistique Canada.
Ce sont les infractions sans violence, comme des méfaits contre des biens religieux ou des lieux de culte, qui ont été les plus nombreuses en 2021. On en a enregistré 707 alors que les 177 autres crimes étaient des infractions avec violence, soit notamment des voies de fait (52) ou encore des menaces (74).
Comment expliquer une telle augmentation de méfaits contre des lieux de culte? Warren Silver explique que Statistique Canada ne reçoit que les données et les chiffres des services de police. Ce sont les policiers qui déterminent si le méfait qui est dénoncé est considéré comme un crime et s’il est motivé par la haine envers un groupe ou une personne en raison de son appartenance religieuse, de son origine ethnique ou de son orientation sexuelle.
Le rapport de Statistique Canada ne précise pas quels événements ont été considérés, en 2021, comme étant motivés par la haine d’une religion. Mais il rappelle que cette année-là, après la découverte des restes de 215 enfants à Kamloops, des médias ont rapporté que des églises avaient été vandalisées et même incendiées. Si des plaintes ont été déposées aux services de police en raison de tels actes, elles ont certainement été enregistrées comme des crimes haineux.
«On ne peut pas établir des liens directs», répète-t-il. Mais il est probable que de tels événements aient pu contribuer à une augmentation du nombre de méfaits contre des lieux de culte.
Confessions visées
Les diverses confessions religieuses au Canada sont toutes susceptibles d’être ciblées par des crimes haineux. Mais Statistique Canada a examiné de plus près les méfaits commis contre trois groupes, soit les catholiques — et non pas les chrétiens —, les juifs et les musulmans. En 2021, l’agence observe «une augmentation de 47 % de crimes haineux contre les juifs, de 71 % contre les musulmans et de 260 % contre les catholiques», ajoute l’analyste Warren Silver. Mais quand on examine les chiffres plutôt que les pourcentages, on déplore que 487 crimes haineux (sur un total canadien de 3 360) visaient des juifs, 144 concernaient des musulmans et 155 ciblaient des catholiques.
Président et directeur général du Conseil national des musulmans canadiens (CNMC), Stephen Brown n’a pas été surpris d’apprendre qu’en 2021 les services de police ont enregistré 144 crimes haineux contre les musulmans. «Nous aussi, on observe une grande montée des crimes haineux. Et, je n’hésite pas à dire que les chiffres de Statistique Canada sont bien en dessous de la réalité», dit-il.
Le dirigeant du CNMC estime en fait que plusieurs membres des communautés musulmanes, notamment ceux d’immigration récente ou encore ceux venant de pays autoritaires, seraient réticents à contacter les policiers lorsqu’ils sont victimes d’intimidation ou de harcèlement. «Plusieurs musulmans nous contactent pour savoir s’ils seront inquiétés s’ils portent plainte», dit M. Brown.
Concernant les crimes commis contre les musulmans en 2021, le CNMC ne peut pas «pointer un événement en particulier» pour expliquer une telle hausse de 71 %. Mais son président et directeur-général déplore «le discours médiatique de plus en plus corsé lorsqu’il est question des musulmans». Par exemple, depuis l’adoption de la Loi sur la laïcité de l’État au Québec, le projet de loi no 21, «on voit plusieurs discussions sur la place qu’occupent les musulmans», dit-il. Certains débats, dans les médias notamment, entretiennent des préjugés contre les membres de sa communauté.
Pire, observe-t-il, «la majorité des personnes qui nous contactent pour des gestes haineux, ce sont des femmes et des enfants. Et c’est souvent à la suite de reportages dans les médias que ces gens nous appellent».
Il explique aussi qu’à la suite d’événements sur la scène internationale, il arrive que les musulmans canadiens écopent même s’ils n’ont rien à voir avec une situation qui se passe à des milliers de kilomètres du Canada. Il donne un autre exemple. Après la mort de Mahsa Amini le 16 septembre 2022, quelques jours après avoir été arrêtée par la police des mœurs en Iran, «des mosquées chiites d’ici ont été vandalisées tandis que d’autre ont été obligées de fermer leurs portes en raison de manifestations assez agressives qui se tenaient devant leur entrée», déplore-t-il.
«Je suis moi-même allé dans une mosquée de Toronto. J’ai vu des femmes être insultées à leur arrivée et des fidèles être photographiés à leur sortie.»
Stephen Brown ne sera donc pas surpris si, à pareille date l’an prochain, Statistique Canada, dans un nouveau rapport, confirme une nouvelle augmentation des crimes haineux contre les musulmans.