Les délégués des Premières Nations qui rencontreront le pape François le 31 mars 2022 vont lui demander de reconnaître officiellement que l’Église catholique a commis «des actes de destruction envers nos peuples et nos enfants». Ils entendent obtenir justice «pour le génocide perpétré dans les pensionnats» qu’elle a gérés, indique un communiqué de l’Assemblée des Premières Nations (APN) publié avant que ses treize délégués et deux représentants jeunesse ne s’envolent vers Rome.
Les délégués de l’APN vont aussi demander au pape de révoquer certaines bulles (un décret scellé d’une boule de métal ou d’un cachet de cire) édictées par ses prédécesseurs, soit toutes celles qui ont constitué ce qu’on nomme aujourd’hui la doctrine de la découverte.
Parmi ces bulles papales, l’APN fustige tout particulièrement le décret Inter cætera, édicté par le pape Alexandre VI en mai 1493, qui attribue aux souverains d’Espagne «toutes les îles et tous les continents trouvés et à trouver, découverts et à découvrir» et leur confie la tâche d’amener «les habitants et indigènes à honorer notre Rédempteur et à professer la foi catholique». Cette bulle a été publiée peu après le retour triomphal de Christophe Colomb en Espagne.
Cette doctrine de la découverte a «conduit au génocide des peuples autochtones dans toutes les régions du monde», déclare l’APN.
«Lorsque les souverains européens sont arrivés sur nos côtes, leurs lois internationales ont été appliquées à nos terres et nous ont nié notre existence en tant qu’êtres humain», souligne le leader de la délégation de l’APN à Rome, le chef Gerald Antoine des Territoires du Nord-Ouest.
Depuis cette époque, ajoute-t-il, «nous avons été la cible de tentatives implacables de destruction de notre mode de vie».
«Nous avons été déracinés, déplacés et relocalisés hors de nos terres d’origine. Cependant, nous n’avons jamais renoncé à nos enseignements et à la façon dont nous percevons notre existence.»
Le chef Gerald Antoine estime aussi que la rencontre avec le pape «est une étape importante alors que nous continuons à déterminer la culpabilité de l’Église catholique en matière de génocide, et sa complicité dans ce que de nombreux enfants des Premières Nations ont vécu» dans les pensionnats autochtones.
Puisque l’Église catholique était responsable de l’administration d’un grand nombre de ces institutions, elle doit aussi reconnaître sa responsabilité, «dans de nombreux cas, de la violence spirituelle, culturelle, émotionnelle, physique et sexuelle infligée à nos enfants».
Trois délégations
Au début du mois de février, la Conférence des évêques catholiques du Canada, l’Assemblée des Premières Nations, le Ralliement national des Métis et l’Inuit Tapiriit Kanatami ont annoncé que les rencontres entre le pape et les délégations autochtones, initialement prévues en décembre 2021, se dérouleraient du 28 mars au 1er avril.
C’est le président de l’Inuit Tapiriit Kanatami, Nathan Obed, qui va diriger la délégation inuite qui comprendra six autres représentants.
La délégation du Ralliement national des Métis comptera huit membres dont sa présidente, Cassidy Caron, qui entend présenter au pape François les «attentes de la nation métisse à l’égard de sa prochaine visite au Canada, qui doit inclure des excuses aux survivants des pensionnats et à leurs familles».
«On ne soulignera jamais assez l’importance des excuses du pape sur le sol même où les atrocités des pensionnats ont eu lieu», ajoute la présidente Caron.