La Semaine de la coopération vient de se terminer. C’est l’occasion de souligner l’apport des coopératives au développement de la nation québécoise, dans toutes nos communautés. Historiquement, il est également important de nommer l’apport majeur de l’Église catholique au déploiement des coopératives.
On sait qu’Alphonse Desjardins a pu compter sur le clergé pour promouvoir le modèle coop auprès des paroissiens du Canada français. On se souvient aussi que le père Georges-Henri Lévesque a réuni l’ensemble des réseaux coopératifs pour constituer, dès 1949, le Conseil de la coopération du Québec.
En 2021, nous aurions pu ajouter à cette liste de contributions la vente de l’église Notre-Dame-de-la-Lorette, sise dans Val-Tétreau à Gatineau, à un projet prometteur de coopérative d’habitation. La Coop de Quartier de la Petite-Chaudière prévoyait ériger un bâtiment d’une soixantaine de logements abordables, destinés aux familles et aux aînés, en harmonie avec ce beau coin de notre ville.
Or, le conseil de fabrique a exclu ce projet, préférant vendre son église à l’un des plus gros promoteurs immobiliers de la région. Le projet anticipé sur ce terrain consiste plutôt en l’érection de deux tours de douze étages, comprenant environ 260 unités.
Inutile de mentionner combien la communauté de Val-Tétreau est sous le choc devant l’ampleur inusitée de ce projet quand on le compare au reste du quartier.
Néanmoins, personne ne se surprendra des objectifs d’un entrepreneur privé dans le contexte: il tient à maximiser la rentabilité et la profitabilité de son projet. Mais là où plusieurs d’entre nous sommes toujours incrédules dans cette histoire, c’est d’observer la complicité du conseil de fabrique avec un promoteur privé, plutôt que de le voir encourager un projet d’économie sociale, dans la lignée des contributions cléricales d’antan au mouvement coopératif québécois.
Au terme de ce triste incident, j’en arrive à la recommandation suivante: désormais, quand un lieu de culte sera mis en vente, le gouvernement du Québec devrait en autoriser la vente. De plus, cette vente devrait prioritairement être faite à une personne morale œuvrant sous l’autorité de la Loi sur l’économie sociale.
Pourquoi de telles dispositions?
Parce que le patrimoine religieux québécois dispose d’avantages fiscaux majeurs: les lieux de culte sont exonérés en matière d’impôts sur le revenu et d’impôts fonciers. C’est énormément de fric public que nous accordons ainsi par ces avantages destinés au patrimoine religieux.
Ce principe existe depuis 2015 pour les coops d’habitation: avant la vente d’un immeuble dont une coopérative est propriétaire, le ministère responsable des coopératives doit en autoriser la vente au préalable. Suite à un scandale immobilier en Estrie au printemps dernier, une telle autorisation préalable prévaut pour les organismes à but non-lucratif en habitation.
Considérant l’immense crise sociale qui sévit au Québec quant à la pénurie de logements, il est essentiel que tous les acteurs de la société mettent l’épaule à la roue pour construire du logement communautaire.
À défaut de pouvoir compter sur le devoir moral de l’Église pour cette contribution, il est temps de la contraindre à contribuer afin d’éviter que le cas du conseil de fabrique de l’église Notre-Dame-de-la-Lorette ne se reproduise.
Me Raphaël Déry est le directeur général de la Fédération intercoopérative en habitation de l’Outaouais (FIHAB)