Paul St-Pierre Plamondon, le nouveau député de Camille-Laurin et le chef du Parti québécois, a réitéré son intention de ne pas prêter serment d’allégeance au roi d’Angleterre qui serait, selon ses mots, le pape de l’Église anglicane.
«Le défaut de prêter serment au roi ne devrait pas empêcher un député démocratiquement élu de siéger» à l’Assemblée nationale, a-t-il martelé au début d’un point de presse tenu le 17 octobre 2022, en début d’après-midi.
Il a aussi demandé aux chefs des autres partis politiques «de laisser le libre-choix à chacun des députés nouvellement élus» de prêter allégeance au peuple québécois plutôt qu’à Charles III.
Puis, le chef du Parti québécois a indiqué aux journalistes présents que «le roi d’Angleterre est le pape de l’Église anglicane».
«Dans quel univers va-t-on obliger un élu québécois, d’un État fondé sur la laïcité, à prêter loyauté et serment envers le roi d’un État étranger qui, par surcroit, est le pape d’une Église qui, dans mon cas, ne correspond absolument pas à mes idées et à mes convictions?», a-t-il lancé, incapable de réprimer un rire de nervosité lorsqu’il a mentionné son refus d’adhérer aux valeurs prônées par la communion anglicane.
Le roi n’est pas le pape
«Le monarque britannique n’est pas le pape de l’Église anglicane», s’empresse de corriger le révérend Bertrand Olivier, le recteur de la cathédrale Christ Church de Montréal.
Il est vrai toutefois que la reine et, depuis son décès, le roi sont appelés à signer «toutes les lois civiles d’Angleterre ainsi que les lois ecclésiastiques qui sont votées par le synode de l’Église d’Angleterre». Il est vrai aussi que le roi Charles III a une «relation particulière vis-à-vis l’Église d’Angleterre».
«Mais il n’y exerce aucune autorité spirituelle», explique le recteur Olivier qui est fréquemment consulté par des journalistes et des leaders religieux, notamment depuis le décès de la reine Elisabeth II, sur les relations entre la monarchie britannique, l’Église d’Angleterre et la toute la communion anglicane.
Si le chef du Parti québécois lui avait téléphoné tout juste avant son point de presse, il lui aurait dit que «Charles III n’est pas le pape». Il lui aurait aussi indiqué que le roi d’Angleterre «n’exerce aucun rôle envers les autres Églises anglicanes à travers le monde, puisque les provinces ecclésiastiques sont toutes indépendantes». Ainsi, l’Église anglicane du Canada est une Église autonome qui ne dépend pas de la monarchie britannique.
Né en France, Bertrand Olivier a longtemps résidé en Angleterre. Ordonné diacre de l’Église d’Angleterre, puis prêtre en 1997, il a quitté en février 2018 sa paroisse All Hallows by the Tower, la plus vieille église de Londres, afin de devenir recteur de la cathédrale Christ Church, l’église-mère du diocèse anglican de Montréal.
Mal informé
«Je regrette que monsieur St-Pierre Plamondon soit si mal informé», a tenu d’abord à déplorer l’évêque anglican du diocèse de Québec, Mgr Bruce Myers, questionné le lendemain de la déclaration du chef du Parti québécois.
«Le roi d’Angleterre n’est pas le pape de l’Église anglicane. Ni ici au Québec, ni en Angleterre. Nous n’avons pas l’équivalent d’un pape dans les Églises anglicanes et dans la communion anglicane mondiale.
«À la tête de l’Église anglicane, c’est le Christ-Roi, lance-t-il, pas le roi Charles III.»
Il explique qu’en Angleterre, l’Église anglicane est une Église d’État. «C’est pour cette raison que le souverain ou la souveraine joue un rôle très encadré dans la gouvernance de l’Église anglicane, mais uniquement en Angleterre». De plus, le roi ne joue aucun rôle dans la gouvernance de l’Église anglicane du Canada, une institution présente au Québec depuis 260 ans.
«Au Québec, on le sait, on vit dans une société séculière. Il n’y a pas de religion ou d’Église d’État et c’est tant mieux», dit l’évêque anglican.
Il ajoute que lorsqu’il a été ordonné évêque le 5 mai 2016, il n’a aucunement prêté serment à la reine, contrairement à ce que doivent faire les députés avant de pouvoir siéger à l’Assemblée nationale.
«Les vœux solennels que j’ai prêtés à mon ordination épiscopale ont été envers Dieu, envers la vrai tête de l’Église, Jésus, envers mon archevêque métropolitain et envers le peuple de Dieu. Aucune mention de la Couronne», dit-il.
Valeurs communes
Ce qui a particulièrement fait sourciller tant l’évêque Myers que le recteur Olivier, ce sont plutôt les remarques de Paul St-Pierre Plamondon sur les convictions de l’Église anglicane.
«Les valeurs actuelles de l’Église anglicane sont des valeurs d’inclusion, de réconciliation, de justice, de paix et d’amour. Si monsieur St-Pierre Plamondon ne se retrouve pas dans ces valeurs, qui sont aussi quand même des valeurs québécoises, c’est son choix personnel», déclare le révérend Bertrand Olivier.
Mgr Bruce Myers, de son côté, ne souhaite pas commenter le fait que Paul St-Pierre Plamondon ne partage pas les idées ou les convictions anglicanes. «Mais il sera toujours le bienvenu chez nous», dit-il.
«Qu’il vienne nous rencontrer. Nous allons dialoguer sur toutes sortes de questions, y compris sur le bien commun, ce que tous nous voulons», dit-il.
«Notre porte sera toujours ouverte. Ce sera l’occasion de clarifier certaines mauvaises conceptions sur notre Église mais surtout d’expliquer le rôle que nous voulons jouer dans la société québécoise.»
Avant d’être ordonné prêtre, Bruce Myers a exercé la profession de journaliste. De 1997 à 2000, il a même été membre de la Tribune de la presse. «J’étais là pour l’assermentation de Lucien Bouchard» ainsi que des députés élus lors du scrutin du 30 novembre 1998. «Mais je ne me souviens pas si le serment d’allégeance à la reine a été critiqué à ce moment», dit-il.