Le bilan des décès, après les deux tremblements de terre qui ont frappé le sud-est de la Turquie et le nord de la Syrie lundi, augmente de jour en jour. Près de 20 000 morts, annoncent les autorités. Les ONG catholiques d’ici et des membres de communautés religieuses sont déjà à l’œuvre afin d’acheminer des secours d’urgence et réfléchissent aux meilleures façons d’aider les populations touchées dans les mois et les années à venir.
«Cela fait 24 heures que je suis bombardé de demandes en provenance de personnes de l’étranger qui veulent aider», lance le dominicain Claudio Monge, o.p., d’Istanbul où il réside depuis 2003. Dans une entrevue qu’il a accordée à Présence, le Directeur de l’Institut dominicain d’études orientales tente au mieux de les guider dans le chaos administratif.
«Ici, nous avons ouvert des lieux pour récolter des biens de première nécessité. Nous tentons d’aider tout en essayant de comprendre quelle est la meilleure manière de le faire.»
Claudio Monge décrit la situation catastrophique dans laquelle se retrouvent les survivants.
«Là-bas, il n’y a plus d’eau, plus d’électricité. Et c’est l’hiver. Il faut soigner les blessés et enterrer les cadavres. Il faut des groupes électrogènes. Dans certaines zones, les secours commencent à peine à arriver. Une petite partie des survivants ont été en mesure de se réfugier chez des proches. La solidarité familiale et les réseaux de solidarité font partie de la culture kurde», souligne-t-il.
Situation catastrophique
La situation est d’autant plus catastrophique que le tremblement de terre est survenu durant la nuit, souligne pour sa part Stéphane Vinhas, directeur des services internationaux de Développement et Paix/Caritas. «Il y a toujours plus de morts. En Turquie, il y a eu beaucoup de bâtiments qui ont été touchés. La cathédrale de l’Annonciation à Alexandrette (Iskenderun) a été entièrement détruite. Les gens dorment dans des mosquées, dans des monastères, dans leur voiture. Toutes les infrastructures sont touchées. L’alimentation du gaz a été fermée afin d’éviter les explosions.»
Stéphane Vinhas déplore également la mort de collaborateurs du réseau Caritas en Turquie. «C’étaient des animateurs appuyés par Caritas qui est dans la région depuis longtemps déjà.»
En Syrie, la situation est tout aussi catastrophique. La directrice nationale d’Aide à l’Église en Détresse (AED-Canada), Marie-Claude Lalonde, souligne que les communications sont difficiles. Les demandes d’aide nous parviennent lentement. «Nos partenaires commencent à nous parler de leurs besoins: du lait, des couches et des couvertures», affirme-t-elle en entrevue à Présence.
Stéphane Vinas souligne également qu’il est très difficile en ce moment de définir précisément les besoins de leurs partenaires. «Par contre, Développement et Paix-Caritas Canada va donner 50 000 $ dès maintenant. Nous espérons pouvoir remettre ce don à un de nos partenaires.»
Selon Marie-Claude Lalonde, la température complique également la situation. «Nos partenaires en Syrie nous disent qu’il y a des intempéries dans la région. Cela complique énormément le travail des secouristes ainsi que l’acheminement de l’aide d’urgence. Les routes sont en mauvais état. C’est toute une région qui est touchée. La chaîne d’approvisionnement est brisée. Ils sont complètement démunis en ce moment.»
Comme en Turquie, des bâtiments religieux ont également été touchés par le tremblement de terre. «Au moment où nous nous parlons [mardi], nous savons de sources sûres que la cathédrale syriaque orthodoxe de Saint-Georges à Alep a subi des dommages structurels», rapporte Marie-Claude Lalonde.
Pour sa part, l’Association catholique d’aide à l’Orient du Canada (CNEWA) est présente dans la région. «Nous avons une équipe qui s’occupe de la Syrie, du Liban, de l’Irak et la Turquie. Nous travaillons avec des partenaires religieux. Depuis hier nous avons plusieurs rencontres. Nous avons décidé de faire parvenir une aide immédiate de 125 000 $ qui s’ajouteront aux 167 000 $ envoyés par le siège social de notre association située à New York. D’autres montants vont s’ajouter grâce aux dons», précise la directrice Adriana Bara.
Mme Bara souligne que lors de telles catastrophes, la population a l’habitude de se réfugier dans les couvents, les monastères et les églises. D’où l’importance de les soutenir financièrement.
L’argent servira à aider la communauté des frères Maristes Bleus qui hébergent plus de 1000 familles à Alep en Syrie, la Société Saint-Vincent de Paul qui vient en aide à plus de 850 familles dans la région ainsi que l’éparchie grecque-catholique melkite de Homs qui soutient 150 familles.
L’avenir
Par ailleurs, tous les groupes consultés ont évoqué l’importance de préparer dès maintenant les mois et les années à venir.
«La problématique avec les tremblements de terre c’est que souvent on répond à l’urgence. Toutefois, les survivants ont perdu leur maison. Tant que les gens ne reviennent pas dans une maison reconstruite et qu’ils ne sont pas en sécurité, les gens sont encore victimes du tremblement de terre. Il ne faut pas croire qu’après un an tout est rentré dans l’ordre», lance Stéphane Vinhas.
Même son de cloche de la part du dominicain Claudio Monge. «Dans la région touchée par le tremblement de terre en Turquie, ce sont plus de 65 % des bâtiments qui sont inutilisables. Il faut tout reconstruire. J’ai du mal à croire que la reconstruction ne prendra que quelques années. Cela sera très long. Ce sont des événements terribles qui bouleversent une vie de manière permanente.»
Stéphane Vinhas mentionne également que la solidarité familiale a également un coût sur le long terme. «Les femmes doivent cuisiner beaucoup plus. C’est plus de travail pour elles. Il y aura aussi davantage de promiscuité. Il faut s’assurer qu’elles restent en sécurité.»
Pour Claudio Monge, «la prière est toute aussi importante que l’argent pour supporter les victimes sur le long terme. L’aide humanitaire est très importante. Cependant, il faut aller au-delà de l’émotion. Il faut garder l’attention éveillée, surtout que la Turquie traverse une crise économique terrible.»
Stéphane Vinhas demande aux Canadiens de prier pour les victimes et de s’informer sur la situation qui évolue rapidement. Il rappelle que Développement et Paix «appuie les gens non pas parce qu’ils sont catholiques, mais bien parce que nous sommes catholiques. Nous appuyons toutes les personnes qui sont dans le besoin dans un esprit universel. C’est d’ailleurs ce que signifie le mot catholique».
«Premièrement, priez pour les victimes. Deuxièmement, si possible, donnez aux associations d’aide. Nous avons tout autant besoin d’aide spirituelle que matérielle. La prière fait des miracles», lance Adriana Bara.
◊ Pour donner
Aide à l’Église en détresse (AED Canada)
Association catholique d’aide à l’Orient (CNEWA Canada)
Développement et Paix – Caritas Canada