Ouvrant un symposium international sur le sacerdoce, le pape François a insisté sur le fait que ceux qui ne sont pas proches de Dieu dans la prière, proches de leur évêque et des autres prêtres et immergés dans la vie de leur peuple ne sont que des «’fonctionnaires cléricaux’ ou des ‘professionnels du sacré’».
Par Cindy Wooden
«Un prêtre doit avoir un cœur suffisamment ‘élargi’ pour s’étendre et embrasser la douleur des personnes confiées à ses soins tout en étant capable, comme une sentinelle, de proclamer l’aube de la grâce de Dieu révélée dans cette même douleur», a déclaré le pape le 17 février en ouvrant la conférence dans la salle d’audience du Vatican.
Un projet de Marc Ouellet
Organisé par le cardinal canadien Marc Ouellet, préfet de la Congrégation pour les évêques, le symposium, qui a réuni quelque 500 personnes en personne et des centaines d’autres en ligne, visait à renouveler la compréhension théologique du sacerdoce catholique.
Le cardinal a déclaré aux participants qu’il comprenait que l’on puisse s’interroger sur le but d’une telle conférence étant donné «le contexte historique actuel dominé par le drame des abus sexuels perpétrés par des clercs».
«Ne devrions-nous pas plutôt nous abstenir de parler du sacerdoce alors que les péchés et les crimes de ministres indignes font la une de la presse internationale pour avoir trahi leur engagement ou pour avoir couvert honteusement ceux qui se sont rendus coupables de telles dépravations?», a-t-il dit qu’ils pouvaient se demander. «Ne devrions-nous pas plutôt nous taire, nous repentir et rechercher les causes de tels méfaits ?»
Une discussion sur le sacerdoce aujourd’hui, a-t-il dit, doit commencer par l’expression de «nos regrets sincères et la demande renouvelée de pardon aux victimes, qui souffrent pour leurs vies détruites par un comportement abusif et criminel, qui est resté caché pendant trop longtemps et traité avec légèreté par désir de protéger l’institution et les auteurs au lieu des victimes».
Cléricalisme
Mais le fait d’examiner le sacerdoce, y compris les façons dont il a été déformé par le cléricalisme, pourrait aider l’Église à tourner véritablement une nouvelle page, a déclaré le cardinal Ouellet.
Le cléricalisme, a-t-il dit, implique «un ensemble de phénomènes – abus de pouvoir, abus spirituels, abus de conscience – dont les abus sexuels ne sont que la pointe de l’iceberg, visible et perverse, émergeant de déviations plus profondes à identifier et à démasquer».
Une redécouverte du sacerdoce de tous les croyants, conféré par le baptême, et de sa relation avec le sacerdoce ministériel doit être le point de départ, a-t-il dit. Ce point de départ permet également de valoriser le rôle des femmes dans l’Église et les dons qu’elles apportent.
L’expérience du pape
Dans son discours à la conférence, le pape François n’a pas mentionné spécifiquement la crise des abus, mais s’est plutôt concentré sur ce qu’il a dit avoir appris en plus de 50 ans de sacerdoce et en écoutant et en aidant les prêtres en tant que provincial jésuite, archevêque et pape.
«Il se peut que ces réflexions soient le « chant du cygne » de ma propre vie sacerdotale», a déclaré le pape de 85 ans, «mais je peux vous assurer qu’elles sont le fruit de ma propre expérience».
Il a insisté, comme il l’a souvent dit aux prêtres, sur le fait que la «proximité» est essentielle à leur ministère et à leur identité: proximité avec Dieu dans la prière, proximité avec leur évêque ou leur supérieur, proximité avec les autres prêtres et, surtout, proximité avec le peuple de Dieu.
La proximité, a-t-il dit, permet au prêtre «de briser toutes les tentations de fermeture, d’autojustification et de vie de « célibataire »».
La proximité dans ces quatre domaines permet aux prêtres «de gérer les tensions et les déséquilibres que nous vivons quotidiennement», a déclaré le pape. Ils ne sont pas «une tâche supplémentaire», mais «un don» que le Seigneur donne «pour que la vocation reste vivante et fructueuse».
La proximité avec Dieu et la proximité avec le peuple sont intimement et intrinsèquement liées, a-t-il ajouté, «car la prière du pasteur se nourrit et s’incarne dans le cœur du peuple de Dieu. Quand il prie, le pasteur porte les marques des peines et des joies de son peuple, qu’il présente en silence au Seigneur.»
À une époque où de nombreuses personnes éprouvent un sentiment croissant d’être «orphelines», a déclaré le pape François, un pasteur proche de son peuple sait comment le rassembler et former une communauté où les gens, y compris les prêtres, grandissent dans leur sentiment d’appartenance.
«Ce sentiment d’appartenance s’avérera à son tour un antidote à la distorsion de la vocation qui se produit chaque fois que nous oublions que la vie sacerdotale est due aux autres – au Seigneur et aux personnes qu’il nous a confiées», a-t-il déclaré. «Oublier cela est à la racine du cléricalisme et de ses conséquences.»
«Le cléricalisme est une distorsion parce qu’il se fonde non pas sur la proximité mais sur la distance», a ajouté le pape.
Le célibat
L’Église est et doit être une communauté de croyants qui s’entraident, partagent les fardeaux des uns et des autres, se réjouissent les uns des autres et travaillent ensemble pour proclamer l’Évangile, a-t-il insisté.
Le pape François a cité le proverbe africain «Si tu veux aller vite, va seul; si tu veux aller loin, va avec les autres» et a déclaré aux participants à la conférence que si «parfois il semble que l’église est lente – et c’est vrai – j’aime à penser que c’est la lenteur de ceux qui ont choisi de marcher dans la fraternité».
Les prêtres doivent être «clairs» et honnêtes quant à la quantité d’envie qui existe dans leurs rangs et à quel point elle est destructrice, a-t-il dit. «Et il existe aussi des formes cléricales d’intimidation.»
Mais «lorsque la fraternité sacerdotale prospère et que des liens de véritable amitié existent, il devient de même possible d’expérimenter avec plus de sérénité la vie de célibat», a déclaré le pape François. «Le célibat est un don que l’Église latine préserve, mais c’est un don qui, pour être vécu comme un moyen de sanctification, demande des relations saines, des relations de véritable estime et de véritable bonté, profondément enracinées dans le Christ.»
«Sans amis et sans prière, a-t-il ajouté, le célibat peut devenir un fardeau insupportable et un contre-témoin de la beauté même du sacerdoce.»