«Nos gens estiment que l’accueil et le service des personnes blessées et isolées dans le monde et dans l’Église sont un aspect essentiel de la mission que nous a confiée le Seigneur Jésus», reconnaissent les auteurs du document final nord-américain pour l’étape continentale du Synode sur la synodalité.
Ces «personnes blessées et isolées» font partie de trois groupes précis. Ce sont les femmes, les personnes LGBTQ+ et les jeunes, indique-t-on dans Pour une Église synodale: communion, participation et mission, un document publié conjointement par la Conférence des évêques catholiques des États-Unis et la Conférence des évêques catholiques du Canada.
Ce texte de 40 pages, accessible en français, en anglais et en espagnol, a été discrètement déposé dans le site Web de la conférence épiscopale canadienne le mercredi 12 avril 2023.
Dignité
«Il ne peut y avoir de véritable coresponsabilité dans l’Église sans qu’on honore pleinement la dignité inhérente des femmes», précise le document qui résume les réflexions et les échanges recueillis lors de douze sessions virtuelles auxquelles ont participé 931 délégués du Canada et des États-Unis fin 2022 et début 2023. Les femmes accomplissent un «travail crucial» pour garder l’Église «vivante et en santé».
S’ils ne sont pas parvenus à «clarifier à quoi ressemblerait exactement une Église pleinement coresponsable», les délégués aux sessions virtuelles, en proportion égale d’hommes et de femmes, proposent que lors des rencontres du prochain Synode des évêques d’octobre, on «examine divers aspects de la vie de l’Église, notamment les rôles décisionnels, le leadership et l’ordination». Il s’agit de l’unique mention du terme ordination dans tout le rapport et elle se trouve dans le paragraphe 19 consacré à la situation des femmes dans l’Église catholique.
Au paragraphe suivant du document nord-américain, on déplore «l’absence des jeunes» à tous les niveaux de l’Église catholique.
«Nous sommes inquiets de voir que les jeunes ne sont pas à la table et nous nous demandons comment ils seront représentés à Rome», lors du Synode des évêques, ont noté des participants à l’une des assemblées virtuelles préalable à la rédaction de ce rapport.
Enfin, le document note que l’exigence «d’une plus grande inclusion et d’un meilleur accueil au sein de l’Église» a été répétée dans un grand nombre de rapports synodaux diocésains ainsi que dans les deux rapports nationaux préparés par les conférences épiscopales des États-Unis et du Canada.
Partout, on observe qu’«un des principaux facteurs de rupture de la communion est l’expérience de personnes ou de groupes qui ne se sentent pas les bienvenus dans l’Église». Ce sont plus précisément «les femmes, les jeunes, les immigrés, les minorités raciales ou linguistiques, les personnes LGBTQ+, les personnes divorcées et remariées et les personnes vivant avec des limites physiques ou mentales».
Les rédacteurs du document continental estiment que «l’Église doit honorer de manière authentique la dignité baptismale de chacune et de chacun».
Abus sexuels et transparence
L’un des principaux sujets de tension, tant dans l’Église au Canada qu’aux États-Unis, est la crise des abus sexuels commis par des membres du clergé. «On ne saurait exagérer la crise de confiance qui en résulte», reconnaît-on. «Nombre de personnes continuent de porter les blessures d’abus et beaucoup d’autres ont perdu confiance dans le clergé et les institutions de l’Église. À cela s’ajoutent les fautes historiques commises dans les pensionnats pour Autochtones, qui comprennent des abus de toutes sortes».
C’est pourquoi, plusieurs participants aux sessions virtuelles ont appelé l’Église et ses dirigeants à un «changement culturel en vue d’une plus grande transparence, d’une plus grande imputabilité et d’une plus grande coresponsabilité».
Réactions des évêques
Appelés à réagir aux réflexions et échanges tenus lors des assemblées virtuelles de consultation, les évêques des deux pays ont d’abord vu dans le processus synodal «la joie des baptisés d’être invités à participer et à partager leurs points de vue et l’appel à la coresponsabilité». Ils ont aussi entendu «les douleurs et les tensions exprimées par les participants».
Les évêques nord-américains souhaitent aussi que soit reconnu le fait qu’ils ont «entendu ceux et celles qui se sentent blessés ou mis de côté par l’Église». «Cela ne résout pas les problèmes et ne guérit pas les blessures, ajoutent-ils, mais c’est un début important.» Ils disent aussi reconnaître «la colère et la méfiance causées par les effets persistants de la crise des abus sexuels». Ils pressent néanmoins les gens «de continuer de leur faire confiance».
Attentes irréalistes
Les évêques du Canada et des États-Unis disent enfin s’inquiéter «des attentes fausses ou irréalistes au sujet de ce que le processus synodal serait censé être ou produire». «La culture occidentale nord-américaine pense automatiquement en termes de résultats mesurables, de gagnants et de perdants, et la voix de l’Église peut être noyée dans cette ambiance compétitive», indiquent-ils, reprenant, en termes différents, cette idée régulièrement lancée par le pape François que «la synodalité ne signifie pas faire le parlement».
«Nous devons être transparents», reconnaissent-ils. «Nous ne pouvons pas contrôler le résultat de ce processus», écrivent-ils dans le rapport continental. Ils sont toutefois conscients qu’«à moins d’agir de manière crédible, les évêques ne pourront pas regagner leur crédibilité».
Les assemblées virtuelles de l’étape continentale nord-américaine ont rassemblé des délégués en provenance de 236 diocèses et éparchies (sur 267) du Canada et des États-Unis. En février 2023, dix représentants de la Conférence des évêques catholiques des États-Unis et sept de la Conférence des évêques catholiques du Canada ont participé à une «retraite d’écriture».
Le rapport nord-américain, rendu public la semaine dernière, a été remis au Vatican le 31 mars. Les documents produits par toutes les assemblées continentales seront maintenant utilisés pour rédiger l’Instrumentum laboris du prochain Synode des évêques qui se déroulera en deux sessions, en octobre 2023 et en octobre 2024.
L’évêque de Saint-Jérôme-Mont-Laurier Raymond Poisson et l’évêque auxiliaire à Québec Marc Pelchat seront les représentants francophones de la conférence épiscopale canadienne lors de la XVIe Assemblée générale ordinaire du Synode des évêques. Les deux autres délégués canadiens à cette rencontre seront l’archevêque de Vancouver J. Michael Miller et l’évêque de Calgary William. T. McGrattan.