Première femme au monde à diriger un centre jésuite d’analyse sociale, Élisabeth Garant quittera le Centre justice et foi de Montréal au mois de juin 2022.
Directrice générale du CJF depuis décembre 2007, celle qui fut, durant les années 1980, missionnaire laïque en Haïti puis au Japon, quittera aussi la direction de Relations, une revue fondée en 1941 par la Compagnie de Jésus.
«Je sens le besoin de m’arrêter, de prendre un temps de repos», explique Élisabeth Garant qui a célébré en septembre 2021 son 60e anniversaire de naissance.
«Je vois cela comme une étape pour ralentir un peu après avoir beaucoup travaillé, toujours avec passion, dans un contexte très stimulant et ressourçant. Je me suis sentie très privilégiée de me lever chaque matin pour aller accomplir un travail profondément ancré dans mes convictions personnelles de justice et de foi.»
«Mais le temps passe», concède-t-elle. «Cela fait 15 ans que je suis à la direction et maintenant 27 ans que je travaille au Centre.»
«On fait face à de nouveaux défis et je crois que c’est le bon moment pour qu’une nouvelle personne vienne penser l’avenir avec toute l’équipe.»
Elle rappelle qu’elle est devenue directrice générale alors que le CJF s’apprêtait à souligner son 25e anniversaire. Son remplaçant ou sa remplaçante coordonnera donc les célébrations du 40e anniversaire de ce centre d’analyse sociale. «Un anniversaire, c’est une bonne occasion pour redéfinir certains éléments et lancer de nouvelles pistes.»
Sous sa direction, l’équipe du Centre justice et foi a mené plusieurs réflexions sur la place du religieux dans la société québécoise. La directrice générale se dit particulièrement fière du projet de recherche sur l’avenir du christianisme social, «un projet que l’on porte depuis maintenant quatre ans», qui entend souligner l’apport de la mouvance sociale chrétienne aux enjeux de société, tant d’hier que d’aujourd’hui.
La laïcité québécoise
En 2005, alors qu’elle était coordonnatrice du secteur Vivre ensemble du Centre justice et foi, Élisabeth Garant signait un texte sur la laïcité de l’État, un concept qui en était à ses «premiers balbutiements au Québec», dit-elle. Elle y affirmait que «la laïcité devrait représenter la possibilité d’exister pour une pluralité de modes de vie, de croyances et de références éthiques. Elle devrait être le cadre de la promotion de l’égalité de traitement et de la coopération interreligieuse.»
Cette réflexion aura marqué tout son parcours au Centre justice et foi. «J’avais le sentiment qu’on proposait une vision originale pour le Québec avec ce qu’on appelait alors la « laïcité ouverte ». Mais je dois constater que, malgré nos efforts, la polarisation, la division et une laïcité très stricte dominent aujourd’hui dans la vie québécoise.»
En 2018, la direction du CJF déplorait vivement qu’avec son projet de loi sur la laïcité de l’État, le gouvernement de François Legault avait choisi «de diviser au lieu de rassembler». Le Centre demandait au gouvernement de «retirer ce projet de loi nuisible au vivre-ensemble et à l’édification d’une citoyenneté démocratique, partagée et solidaire».
«On a perdu quelques batailles», confie-t-elle. «Mais ce qui me donne de l’espoir, c’est que cette vision d’une laïcité qui exclut n’est pas partagée par les plus jeunes générations.»
La firme de consultants en ressources humaines Viaconseil coordonne les démarches pour trouver la personne qui remplacera Élisabeth Garant à la direction générale du Centre justice et foi. La date limite pour le dépôt des candidatures est le 6 février 2022 tandis que l’entrée en fonction est prévue le 1er mai 2022.