C’est la fin pour le magazine diocésain Pastorale-Québec. Le rédacteur en chef de cette publication de l’archidiocèse de Québec confie, dans l’édition de juillet-août, que ce n’est qu’«à quelques jours d’envoyer ce numéro sous presse» qu’il a appris qu’elle cesserait définitivement de paraître. Le prochain numéro, en septembre, sera l’ultime numéro de cette revue publiée sans interruption, mais sous des titres différents, depuis 135 ans.
«Le contexte financier dans lequel se retrouve l’Église catholique de Québec au sortir de la pandémie, jumelé à la baisse des abonnements à la revue, ont contraint les autorités diocésaines à prendre cette décision», indique l’abbé René Tessier, à la barre rédactionnelle de la revue depuis 21 ans.
Il a cru un moment pouvoir maintenir la publication jusqu’en juin 2024. Mais il observe que «des actions vigoureuses sont prises depuis quelques semaines pour diminuer la pression sur les finances diocésaines». La revue qu’il dirige ne sera donc pas épargnée, confie-t-il en page 4 de l’avant-dernier numéro de Pastorale-Québec.
De plus, son équipe a mené «plusieurs tentatives ces dernières années pour renouveler le lectorat de la revue». Mais ce fut «sans succès», admet-il. L’abbé Tessier, un prêtre depuis 43 ans, ajoute avoir aussi jonglé avec l’idée d’un abonnement exclusivement numérique, ce qui effacerait les importants coûts liés à l’impression tous les deux mois d’un magazine de 32 pages. Il confirme que si «le déficit de Pastorale-Québec n’est pas si élevé», la publication d’une revue en ligne engendre d’autres coûts de production qu’il évalue à «quelques dizaines de milliers de dollars annuellement».
«Il est certes attristant que nous soyons obligés d’en arriver à cette décision», note le rédacteur en chef. «Nous partageons les défis des médias imprimés, qui, à l’échelle de la société, font face aux changements d’habitudes de consommation du public.» Si «plusieurs d’entre eux ferment ou opèrent une transition numérique», il constate que le lectorat d’aujourd’hui est habitué à obtenir gratuitement l’information qu’il souhaite lire ou entendre et rechigne à l’idée de payer pour être bien informé.
Dossiers de fond
René Tessier est prêtre diocésain depuis quatre décennies. Formé notamment en communications sociales, il raconte avoir participé, durant ses études, aux rencontres quotidiennes de l’équipe éditoriale du Ottawa Citizen.
Il est très fier du travail accompli depuis 2002 à la rédaction de Pastorale-Québec. «Dans un contexte de diminution des prêtres, de multiples fermetures de presbytères et de petites communautés religieuses, avec un personnel pastoral qui a vieilli et peine parfois à lire tout simplement, nous aurons réussi à rendre compte correctement du bouillonnement de la vie ecclésiale, tout en gardant un œil bien ouvert sur la société ambiante.»
Il dit que durant son mandat, il a tenu à «ouvrir dans toutes les directions», lançant une chronique cinématographique, puis une chronique biblique. Il a publié dans les pages de la revue, bien sûr, beaucoup d’informations diocésaines mais aussi bien des informations internationales, ce qui le réjouit. «Et j’ai toujours privilégié des pages ouvertes à l’opinion des lecteurs et lectrices», dit-il.
Aujourd’hui, il entend bien les discours qui annoncent la mort de l’écriture. «Mais avec la fin de l’écrit, craint-t-il, on peut perdre quelque chose de l’ordre de la réflexion et de l’approfondissement.» Bien sûr, l’information ponctuelle circule dorénavant – et fort bien d’ailleurs, il ne le conteste pas – par des infolettres ou des bulletins électroniques. Mais ce format ne convient pas aux grandes recherches, aux dossiers étoffés, «à la réflexion de fond». Il observe aujourd’hui «une Église fatiguée, moins portée sur les grands dossiers».
Des projets pour l’avenir? «Je vais continuer dorénavant en paroisse», annonce alors le rédacteur en chef. «Mais pas tout de suite. J’ai encore un numéro à préparer. Et après, ce sera le grand ménage». Puis il s’accordera deux mois de vacances. «Cela fait tellement d’années que je travaille constamment sur l’adrénaline, six ou sept jours par semaine», avec sur sa table de travail deux ou trois numéros à planifier et à mener à terme.
Tirage
Le tirage actuel de Pastorale-Québec est de 1 200 exemplaires. À l’arrivée de René Tessier, en 2002, il était alors de 1 800 exemplaires, près de la moitié de ce qu’il était en 1987 (3 300 exemplaires).
L’archiviste Maude Leclerc, du Centre de conservation de l’archidiocèse de Québec, rappelle que la revue diocésaine a d’abord été connue sous le titre de Semaine religieuse de Québec. En 1913, on bonifie son appellation. La Semaine religieuse de Québec et Bulletin des Œuvres de L’Action Sociale Catholique sera publiée jusqu’en 1923 puis elle retrouvera son premier nom jusqu’en 1965. L’Église de Québec prend la relève jusqu’en 1970. C’est en 1971 que la revue obtiendra son dernier titre, celui de Pastorale-Québec.
L’archiviste rappelle aussi que c’est l’abbé Léon Provancher (1820-1892), le curé de Cap-Rouge et un entomologiste de renom, qui a fondé la revue en 1888. (Ce prêtre a aussi fondé en 1868 Le Naturaliste canadien, une revue encore publiée aujourd’hui.)