Il est tôt en ce mardi 22 novembre. 6 h 40, très précisément a noté Carl Hétu, le directeur général de Développement et Paix. Depuis la veille, à distance, il participe à une rencontre de réflexion organisée par Caritas Internationalis (CI), l’agence de secours et de développement international de l’Église catholique. Développement et Paix est l’un des 162 membres de cet organisme.
À Rome, où se déroule la rencontre, il est 12 h 40. Tout juste avant la pause du repas du midi – l’heure du petit déjeuner pour Carl Hétu – les participants, tant en ligne qu’en présentiel, voient les cardinaux Luis Antonio Tagle et Michael Czerny s’approcher du micro.
«Bizarre. Cette intervention n’est pas prévue à l’horaire», se dit immédiatement Carl Hétu.
Les deux cardinaux ont entre les mains un décret du pape François. Ils en font la lecture et annoncent que Caritas Internationalis est dorénavant sous tutelle.
Le pape nomme un administrateur temporaire et révoque les mandats de tous les dirigeants de l’organisme. De plus, les instances de direction, comme le Conseil représentatif et le Conseil exécutif de cette confédération qui regroupe 162 Caritas nationales, cessent sur-le-champ leurs fonctions respectives.
L’administrateur temporaire, Pier Francesco Pinelli, un laïc italien, obtient la responsabilité de revoir les statuts et les règlements de CI afin que l’organisme retrouve «une plus grande fonctionnalité et efficacité». Il a aussi le mandat de préparer la prochaine assemblée générale de CI, prévue en mai 2023.
Le cardinal Tagle précise alors qu’«aucune irrégularité financière ou comportement sexuel déviant n’est à signaler». Cette mise en tutelle est nécessaire en raison de «faiblesses dans les procédures de gestion» qui auraient entraîné, ces dernières années, «un effet négatif sur l’esprit d’équipe et le moral du personnel» de CI.
«C’est dans un moment comme celui-là qu’on se demande ce qu’on fait ici et pourquoi on n’est pas à Rome», dit Carl Hétu. «J’imagine les conversations animées qui ont eu cours durant le repas.»
«La journée avait pourtant bien commencé. Le cardinal Tagle a même fait une longue intervention plus tôt, sans jamais mentionner qu’il allait nous reparler quelques instants plus tard», lance-t-il.
«Pendant un moment, je me suis demandé si j’avais mal compris ce que les deux venaient de nous annoncer». Puis le nouvel administrateur Pinelli a pris la parole. Il mentionne qu’il vient à peine de recevoir ce mandat du pape. «Ce n’était pas dans mes plans d’être ici aujourd’hui», déclare-t-il.
Problèmes internes
Carl Hétu reconnaît que, depuis son arrivée comme directeur général de Développement et Paix il y a moins d’un an, on lui a fait part des difficultés internes que CI éprouvait. «Il y a eu plusieurs démissions parmi les permanents. Beaucoup de plaintes aussi auprès du Vatican. Des gens accusaient même le directeur général de mauvaise gestion.»
L’annonce de ce matin pourrait bien être un «point tournant» pour cette organisation qui «a perdu des plumes» ces dernières années. Lui-même a pu constater un «manque de coordination entre les Caritas locales» et la direction internationale.
«Les gens de l’intérieur seront heureux de ce décret», croit Carl Hétu.
«Pour nous, à Développement et Paix, cela ne changera pas notre participation à ce réseau. On va suivre la situation de près», dit-il, quelques instants avant que la rencontre à laquelle il participe à distance ne reprenne.