Trois mois avant la probable visite du pape François, l’archevêque de Cantorbéry, Justin Welby, sera au Canada du 29 avril au 3 mai. L’Église anglicane, qui a joué un rôle dans l’administration des pensionnats et qui compte toujours 65 000 fidèles autochtones au pays, fait ainsi un pas de plus vers la réconciliation avec les peuples autochtones, se réjouissent plusieurs.
«J’ai espoir que l’expérience soit importante et qu’il fera une déclaration sur ce qui s’est passé [dans l’histoire]», déclare l’archevêque autochtone anglican Mark MacDonald, au bout du fil.
«L’archevêque [Welby] est conscient que l’Église a misérablement failli, qu’elle a été complice de la mort et de la destruction des peuples autochtones et de leur environnement – ce qu’on décrit comme un génocide. Je crois [que la visite] peut faire avancer la réconciliation.»
L’archevêque de Cantorbéry, Justin Welby, occupe le siège primatial d’Angleterre et exerce un rôle de leadership spirituel au sein de la Communion anglicane. Il a été invité au pays par la primat de l’Église canadienne, Linda Nicholls, et l’archevêque national pour les Autochtones, Mark MacDonald.
Du 29 avril au 3 mai, il visitera des communautés de Prince Albert en Saskatchewan et à Toronto. Il devrait également se rendre dans la réserve Six Nations près de Brantford, en Ontario. Il rencontrera notamment des survivants de pensionnats autochtones, et des membres de l’Église anglicane.
«L’Église d’Angleterre et la Couronne britannique ont établi des traités [avec les peuples autochtones], je crois que la présence de cette Église est significative pour les communautés», croit Mark MacDonald. «Je crois que les peuples autochtones peuvent percevoir l’archevêque de Cantorbéry comme un symbole de ce qui existait avant même la création du pays.»
Accent mis sur les pensionnats
La visite de l’archevêque se concentrera surtout sur le rôle de l’Église anglicane dans l’administration des pensionnats.
Entre 1831 et 1996, l’Église anglicane a tenu 35 des 135 pensionnats qui avaient comme objectif d’assimiler les enfants autochtones à la société canadienne. Ces établissements, financés par le gouvernement fédéral, étaient généralement administrés par des communautés religieuses. Sur environ 150 000 enfants des Premières Nations, Inuits et Métis ayant fréquenté les pensionnats, il est estimé qu’environ 6000 d’entre eux sont morts dans des circonstances souvent obscures. Du déracinement culturel au traumatisme intergénérationnel, ce tragique chapitre de l’histoire continue d’imprégner la réalité des communautés autochtones d’aujourd’hui.
La souffrance causée par les Églises «est encore comme une blessure ouverte», observe Emma Anderson, professeure en études religieuses à l’Université d’Ottawa.
Cette dernière se désole de la difficulté de faire la lumière sur le nombre exact d’enfants décédés et ce qui est arrivé à chacun d’entre eux, en raison de l’absence, l’éparpillement, le manque d’organisation ou de transparence des archives concernant ces pensionnats.
L’an dernier, la découverte de centaines de tombes non identifiées d’enfants autochtones près d’anciens pensionnats dans l’Ouest canadien a eu l’effet d’une bombe dans l’opinion publique. Cette année, la Conférence des évêques catholiques du Canada multiplie ses efforts pour la réconciliation autochtone et la préparation de la visite du pape. Après avoir présenté des excuses historiques aux Autochtones à Rome le 1er avril, le Saint-Père a exprimé son souhait de visiter le Canada à la fin juillet.
Le travail se poursuit
C’est dans un tel contexte que l’Église anglicane canadienne poursuit aussi son travail dans la voie de la réconciliation. Cette dernière a présenté des excuses aux Autochtones en 1993 et 2019 pour son rôle dans les pensionnats autochtones et pour les dommages spirituels causés aux pensionnaires. En 2015, elle a remis plus de 300 000 pages de documents numériques et 6000 photographies concernant les pensionnats autochtones à la Commission Vérité et Réconciliation (CVR). Lors de la présentation du rapport de la CVR en 2015, les dirigeants de l’Église anglicane se sont aussi engagés à mettre en œuvre les recommandations du rapport.
La visite de l’archevêque de Cantorbéry permettra également d’avancer sur la voie de la réconciliation, croit Mark MacDonald, qui représente les 65 000 fidèles autochtones de l’Église anglicane canadienne. Dans la foulée du dernier rapport du GIEC, Mark MacDonald insiste: la réconciliation avec les Autochtones fait partie intégrante des efforts pour la protection de l’environnement au niveau mondial.
«Les droits des autochtones sont au cœur d’un futur viable [pour l’humanité]. Les peuples autochtones sont à un endroit critique sur la planète, les territoires qu’ils gèrent contiennent un stupéfiant 80% de la biodiversité», s’exclame-t-il. La réconciliation, ce n’est donc pas seulement une réparation du passé, mais aussi une construction du futur.»