Exprimant «tristesse et honte» pour la complicité des catholiques dans l’abus des enfants autochtones au Canada et dans la tentative d’effacer leur culture, le pape François s’est engagé à aborder la question plus en profondeur lors de sa visite au Canada.
Par Cindy Wooden
«Pour la conduite déplorable de ces membres de l’Église catholique, a déclaré le pape aux représentants autochtones le 1er avril, je demande le pardon de Dieu, et je veux vous dire de tout mon cœur: je suis vraiment désolé.»
Les représentants du Ralliement national des Métis, de l’Inuit Tapiriit Kanatami et de l’Assemblée des Premières Nations avaient demandé au pape François des excuses pour le rôle de l’Église dans la gestion des pensionnats au Canada, mais ils ont demandé qu’il s’excuse au Canada.
Le pape a également répondu à cette demande.
Se disant impressionné par leur dévotion à sainte Anne, la grand-mère de Jésus, pièce maîtresse du populaire pèlerinage du Lac Sainte-Anne, prévu cette année du 25 au 28 juillet, le pape François leur a dit: «Cette année, j’aimerais être avec vous ces jours-là.»
Le sanctuaire de Sainte-Anne, sur le lac Sainte-Anne, est situé dans le centre de l’Alberta, non loin d’Edmonton.
Une semaine de rencontres
Réunis dans la salle Clémentine ornée de fresques du palais apostolique, les représentants des Métis, des Inuits et des Premières Nations ont partagé leurs prières, leur musique, leurs danses et leurs cadeaux avec le pape.
Le pape avait tenu des réunions séparées le 28 mars avec des représentants des Métis et des Inuits et a rencontré le 31 mars des délégués de l’Assemblée des Premières Nations. Ils étaient accompagnés de six évêques canadiens.
S’adressant à tous les délégués et à leurs partisans à la fin de la semaine, le pape François a rappelé que plusieurs délégués ont comparé leurs communautés à des branches, poussant dans différentes directions, ballottées par le vent, mais vivant toujours parce qu’elles sont attachées au tronc et aux racines profondes de l’arbre.
«Votre arbre, qui porte des fruits, a subi une tragédie, dont vous m’avez parlé ces derniers jours: le déracinement», a-t-il dit. La transmission normale de la langue, de la culture et de la spiritualité d’une génération à l’autre «a été brisée par la colonisation qui, sans respect, a arraché beaucoup» de leurs terres d’origine et a essayé de les forcer à adopter d’autres manières.
Évangéliser n’est pas une excuse
Les catholiques ne peuvent pas utiliser la tentative d’évangéliser les indigènes comme excuse pour gérer les écoles, car «la foi ne peut pas être transmise d’une manière contraire à la foi elle-même», a déclaré le pape.
L’Évangile appelle les chrétiens «à accueillir, aimer, servir et ne pas juger», a-t-il dit, et c’est «une chose effrayante» lorsque, au nom de cette foi, les chrétiens agissent à l’opposé.
«À travers vos voix, a-t-il dit aux délégués, j’ai pu toucher de mes propres mains et porter en moi, avec une grande tristesse dans mon cœur, les histoires de souffrance, de privation, de traitement discriminatoire et de diverses formes d’abus subis par beaucoup d’entre vous, en particulier dans les pensionnats.»
Un système «effrayant»
Le pape François a déclaré qu’il est «effrayant» de penser à la quantité de réflexion et d’efforts déployés pour concevoir et gérer un système visant à inculquer «un sentiment d’infériorité» aux élèves et la tentative «de faire perdre à quelqu’un son identité culturelle, de couper ses racines, avec toutes les conséquences personnelles et sociales que cela a entraîné et continue d’entraîner: des traumatismes non résolus qui sont devenus des traumatismes intergénérationnels».
«Je ressens de la honte – de la peine et de la honte – pour le rôle qu’un certain nombre de catholiques, en particulier ceux qui ont des responsabilités éducatives, ont eu dans toutes ces choses qui vous ont blessés, dans les abus que vous avez subis et dans le manque de respect manifesté pour votre identité, votre culture et même vos valeurs spirituelles», a-t-il dit.
Valeurs autochtones
Ces valeurs ont été mises en évidence lors de la réunion au Palais apostolique, qui a débuté par les prières des représentants.
L’aîné des Premières Nations Fred Kelly, portant une coiffe à plumes et offrant une prière en nishnawbe et en anglais, a prié pour les dons «d’amour, de bonté, de respect, de vérité, de gentillesse et d’humilité de la part du Créateur unique».
L’aîné métis Emile Janvier, un survivant des pensionnats, a récité sa prière en dene-michif, demandant au Créateur la guérison des «blessures du passé» et la force d’aller de l’avant «dans le pardon et la réconciliation».
Marty et Lizzie Angotealuk, membres de la délégation inuite, ont dirigé le chant du Notre Père en inuktitut.
Excuses longtemps attendues
Au cours des rencontres individuelles qui ont eu lieu plus tôt dans la semaine, les dirigeants élus des groupes ont demandé au pape François des excuses officielles pour le rôle de l’Église catholique dans la suppression de leurs langues, de leurs cultures et de leurs spiritualités et, en particulier, pour le rôle de l’Église dans la gestion de nombreux pensionnats qui faisaient partie du plan d’assimilation forcée du gouvernement et où de nombreux enfants ont été victimes d’abus émotionnels, physiques et sexuels.
Les dirigeants ont également demandé au pape François de se rendre au Canada pour présenter ces excuses et ont sollicité son aide pour avoir accès à un plus grand nombre de dossiers scolaires afin de pouvoir rédiger une histoire complète des pensionnats et d’identifier les enfants se trouvant dans des tombes non-identifiées.
Mais la majeure partie des rencontres privées avec le pape a été consacrée aux survivants des pensionnats qui ont raconté leur histoire.
Le pape François a remercié les délégués d’avoir «ouvert vos cœurs et d’avoir exprimé le désir de marcher ensemble», et il leur a assuré qu’il portait toutes leurs histoires dans sa prière.
Il a ajouté qu’il était impatient d’en apprendre davantage sur eux et de rencontrer leurs familles lorsqu’il visiterait leurs terres, mais, a-t-il dit en désignant les Inuits, «je n’y vais pas en hiver».
Les «erreurs» dans l’histoire ecclésiale
Remerciant le pape d’avoir accepté de se rendre au Canada, Mgr Raymond Poisson, évêque de Saint-Jérôme, au Québec, président de la conférence des évêques canadiens, a déclaré au pape François: «Nous sommes prêts aujourd’hui à vous aider à faire vos valises!»
L’histoire récente de l’Église catholique, a-t-il dit, «est marquée par les stigmates d’erreurs et de manquements à l’amour du prochain, en particulier envers les membres des nations présentes au Canada depuis des siècles».
La reconnaissance des échecs de l’Église rend «notre désir de réconciliation» encore plus fort, a-t-il dit. «Notre présence ici est un témoignage de notre engagement les uns pour les autres et les uns envers les autres.»
Le pape François a remis à chaque délégation une branche d’olivier en bronze en signe de paix et de réconciliation, selon la conférence des évêques canadiens.
L’Assemblée des Premières Nations a offert au pape une étole liturgique, perlée de croix orange, et une paire de raquettes à neige en frêne noir avec du tendon de caribou et du tendon artificiel.
Le Ralliement national des Métis lui a remis un livre de souvenirs contenant les histoires des survivants des pensionnats métis et une lettre de Cassidy Caron, présidente du Ralliement.
Les Inuits ont offert au pape une croix sculptée dans les fanons d’une baleine boréale et rivetée à une pièce d’argent sterling, ainsi qu’une pochette en peau de phoque avec un bouton en ivoire.