C’est finalement le mercredi 10 août 2022, tôt le matin, que les restes du jésuite Léon Lajoie ont été exhumés du terrain de la Mission Saint-François-Xavier de Kahnawake où sa dépouille avait été enterrée 23 ans plus tôt.
Au mois de mars, lors d’un plébiscite auquel ont participé plus de 400 membres de la communauté, les Mohawks ont majoritairement voté pour que la dépouille de celui qui fut vicaire puis curé à Kahnawake durant plus de 30 ans soit exhumée du sol de la Mission Saint-François-Xavier et déménagée à l’extérieur du territoire.
Neuf mois plus tôt, durant l’été 2021, des allégations d’abus ont été lancées contre le jésuite. «Nous ne disons pas que les allégations sont fausses, mais simplement que nous avons du mal à y croire car nos expériences personnelles et notre connaissance du père Lajoie ne correspondent pas à ce qui est allégué», avaient alors réagi les responsables de la communauté catholique de Kahnawake.
La congrégation du père Lajoie, les Jésuites du Canada, a demandé à une firme externe d’examiner ces allégations. Au terme de quatre mois d’enquête et d’auditions de témoins, le King International Advisory Group indiquait que les témoignages recueillis «ne soutiennent pas actuellement les allégations d’abus sexuels sur des enfants par le père Léon Lajoie pendant la période de 1956 à 1990».
Le Conseil mohawk de Kahnawake et les Jésuites du Canada n’ont informé les médias de cette exhumation que jeudi, le lendemain.
Au moment de publier ces lignes, personne n’avait pu indiquer combien de témoins étaient présents mercredi, si le provincial Erik Oland a assisté à la cérémonie d’exhumation et au retrait de la pierre tombale et si les restes du père Lajoie ont déjà été déposés au cimetière jésuite de Saint-Jérôme.
Un membre de la communauté a toutefois mentionné à Présence que des jésuites, au moins un chef autochtone, des policiers (les Peacekeepers) et des manifestants étaient présents, mercredi matin, aux abords de l’église de la mission catholique. Des images captées par le réseau CTV montrent l’arrivée d’une excavatrice mais aucun tournage rapproché n’a été permis durant la cérémonie et l’opération d’exhumation. Les journalistes de ce réseau n’ont obtenu que des commentaires de gens qui se réjouissaient que les restes du jésuite soient déménagés hors du territoire mohawk.
Déclarations
«Le respect des restes humains est une croyance spirituelle profonde dans les cultures catholiques et autochtones», ont indiqué les Jésuites du Canada jeudi.
«Le rapatriement de la dépouille du père Léon Lajoie a été planifié en consultation avec le Conseil mohawk de Kahnawake, la communauté et le conseil paroissial de la Mission Saint-François-Xavier.»
«Par respect pour tous ceux qui nous ont consultés pour parvenir à cette solution, nous ne pouvons pas faire de commentaires pour le moment, sauf pour dire que les jésuites vont accueillir l’un des leurs à l’endroit où il doit reposer. Nous espérons que ce rapatriement permettra de trouver une solution pacifique à cette situation et favorisera la guérison de la communauté de Kahnawake», ont-ils aussi déclaré.
«Cette affaire été difficile et chargée d’émotion», a indiqué jeudi le Conseil mohawk de Kahnawake. «Il était important de procéder à la relocalisation [des restes] dans le respect et la dignité».
«En tant que collectivité, nous devons continuer à trouver le chemin de la véritable guérison. Le Conseil mohawk de Kahnawake soutient fermement tous les efforts sincères pour cette guérison et la réconciliation en général. Le Conseil ne fera aucun autre commentaire sur cette affaire.»
Un ministère varié
Le jésuite Léon Lajoie (1921-1999) a été ordonné prêtre en mai 1954 par le cardinal Paul-Émile Léger. D’abord missionnaire en Éthiopie, il a été associé de 1958 à 1961 à l’œuvre Le Bon Dieu en taxi. En 1961, il devient vicaire à Kahnawake puis sera nommé le curé de cette paroisse du diocèse de Saint-Jean-Longueuil. La maladie l’obligera à quitter son poste de curé en 1990, puis Kahnawake même en 1996.
Son avis de décès, publié dans La Presse le 16 mai 1999 mentionne que le père Lajoie «a exercé son ministère de diverses façons, soit en tant que conseiller, visiteur dans les écoles et aumônier d’hôpital, aumônier de prison». On annonçait dans cet avis que ses funérailles seraient célébrées le mercredi 19 mai à l’église de Kahnawake et qu’elles seraient suivies de son inhumation «dans le cimetière de la communauté, à Saint-Jérôme».
Mais plusieurs membres de la communauté catholique ainsi que des chefs autochtones avaient demandé que sa dépouille soit plutôt ensevelie à deux pas de l’église de Kahnawake. Dans son cercueil, on avait déposé une plume d’aigle, les symboles des clans de l’ours, de la tortue et du loup ainsi qu’une fleur représentant Kateri Tekakwitha, avait noté une journaliste le 17 mai 1999.