On observe depuis les années 1960 le déclin du catholicisme québécois. On en connaît les indicateurs classiques : effondrement de la pratique dominicale, décrochage et recrutement famélique des prêtres et des religieux, fermeture à répétition des églises.
Mais voilà que des catholiques de l’archidiocèse de Montréal, paroissiens, paroissiennes, religieux et religieuses, viennent de porter un jugement très critique sur l’état des lieux. Le rapport synthèse de la consultation menée en vue du synode romain de 2023 conclut franchement et sans équivoque que « nous pouvons affirmer que la santé synodale de notre Église montréalaise s’avère précaire, affectée de maux graves qui nécessitent des correctifs immédiats ».
Les consultations ont été menées en ligne ou par courriel dans le cadre d’une démarche universelle lancée par le pape François en avril 2021. Le but est de « décléricaliser » l’Église en permettant à tous ses membres de « marcher ensemble ». Une assemblée « synodale » tenue le 17 juin dernier a validé le rapport synthèse daté du 3 juin.
Les constats sont éloquents. En voici des extraits significatifs :
- Les révélations d’abus, le constat d’une exclusion des diversités et les drames subis par les autochtones ont eu un impact sur ce désir synodal de “marcher ensemble”.
- Malgré la soif d’avancer, beaucoup ont un sentiment d’abandon, de découragement ; d’être dans une situation pénible d’où l’Église, au travers des prêtres et des évêques, est absente.
- Plusieurs participants […] rendent compte d’un sentiment d’isolement, de vivre une foi paroissiale et parfois même solitaire où les autres paroisses, les autres frères en Christ ainsi que les instances ecclésiales sont absents.
- Bon nombre de contributions indiquent que l’évolution de l’Église devrait se faire par une implication reconnue de ses membres et en particulier celle des femmes. L’inclusion des femmes à tous les niveaux de responsabilité dans l’Église aurait comme conséquence de nous libérer d’une vision d’Église patriarcale et misogyne.
- La rencontre de la différence, dans une Église peu accueillante et exclusive, ne cherchant que trop souvent “celui qui me ressemble”, montre à quel point cette expérience peut être une véritable opportunité pour se renouveler et révéler le Christ, dans un témoignage qui se traduit par des actes. Ainsi, souvent les communautés LGBT ont le sentiment d’être différentes aux yeux de Dieu par une attitude de non-accueil de l’Église, qui juge et condamne.
- L’absence d’écoute ou l’immobilisme, à la suite de réunions ou de projets envisagés, contribuent à ce que les bénévoles soient de moins en moins disposés à s’investir à nouveau.
- Il y a un sentiment global de manque de cohésion entre l’archevêché et les paroisses, vus un peu comme des îlots indépendants dans lesquels le curé fait un peu ce qu’il veut, sans se soucier des dynamiques communes.
- L’Église est vue comme une société (une organisation secrète) qui est opaque et dans laquelle personne ne se retrouve. Elle est ressentie comme une société avec ses pouvoirs, ses perversions, ses finances, les obligations du peuple envers elle (la dîme, l’aumône, la messe, etc.), mais pas comme l’ouvre de Dieu,
Le rapport note encore, comme pour constater le décrochage, que « moins de 20 % des paroisses et des groupes de vie consacrée ont répondu à l’appel de la démarche synodale et moins de 15 % des sanctuaires et missions ont répondu ».
Pour ma part, je retiens particulièrement ce constat : « Ce qui revient le plus dans les commentaires, c’est l’absence de communication avec l’archevêché ». Je n’en suis pas surpris. Monsieur l’archevêque Lépine, depuis sa nomination il y a 10 ans, n’a jamais ressuscité le conseil diocésain de pastorale, pourtant le principal lieu de « synodalité » recommandé il y a plus de 60 ans par le concile Vatican II. « Il est tout à fait souhaitable que, dans chaque diocèse, soit établi un conseil pastoral particulier, présidé par l’évêque diocésain lui-même et auquel participent des clercs, des religieux et des laïcs, spécialement choisis », stipule le décret Christus dominus.
Malgré mes demandes écrites et répétées d’explication, monsieur l’archevêque n’a jamais daigné me répondre. Le rapport synthèse confirme à cet égard un comportement qui semble généralisé. « L’absence de réponse aux courriels, le manque de politesse dans les réponses, ainsi que le manque de rigueur dans le suivi des échanges blessent l’unité dans le Christ », a-t-on noté.
L’archevêque de Montréal n’a pas, à notre connaissance, commenté le rapport synthèse.
Le rapport évoque quelques expériences fraternelles heureuses pendant la pandémie et propose certaines avenues pertinentes pour l’avenir. Mais au total, la critique sur l’état actuel de l’Église demeure pessimiste.
Jean-Pierre Proulx est journaliste et professeur retraité.