Il a beaucoup été question d’échecs, de guérison et de réconciliation dans l’homélie prononcée par le pape François ce matin dans la basilique de Sainte-Anne-de-Beaupré.
Commentant un texte de l’évangile de Luc lu quelques instants plus tôt, le pape François a indiqué que les doutes et le désespoir qui assaillaient les deux disciples qui marchaient vers Emmaüs après la mort de Jésus sont une illustration de «notre route personnelle et de celle de l’Église».
Alors que «nous poursuivons les rêves, les projets, les attentes et les espérances qui habitent notre cœur, nous nous heurtons aussi à nos fragilités et faiblesses, nous expérimentons défaites et désillusions, et parfois nous restons prisonniers du sentiment d’échec qui nous paralyse», a expliqué le pape au début de son homélie prononcée en espagnol.
Pour les disciples d’Emmaüs, «les attentes qu’ils avaient cultivées sont tombées dans le néant, les espérances en lesquelles ils avaient cru ont été brisées, les rêves qu’ils auraient voulu réaliser laissent place à la déception et à l’amertume». Pire, a-t-il dit, ils ont choisi le doute et même la fuite.
Sans dénoncer spécifiquement la réaction de l’Église ou de ses dirigeants devant les abus commis dans les pensionnats autochtones, le pape a toutefois indiqué, durant la dernière messe qu’il célèbre publiquement lors de son séjour canadien, qu’il n’est pas acceptable de «faire marche arrière, s’enfuir du lieu où les faits se sont produits, tenter de les enlever, chercher un endroit tranquille comme Emmaüs pour ne plus y penser. Il n’y a rien de pire, face aux échecs de la vie, que de fuir pour ne pas les affronter.»
Durant son homélie de jeudi, les mots «excuses» ou «pardon» n’ont pas été entendus. Le terme «autochtones» n’a été mentionné qu’une seule fois.
«Nous aussi, face au scandale du mal et au Corps du Christ blessé dans la chair de nos frères autochtones, nous sommes plongés dans l’amertume et nous ressentons le poids de l’échec», a dit le pape.
Plusieurs observateurs s’attendaient à ce que le pape François propose, à Sainte-Anne-de-Beaupré, des mesures concrètes pour que l’Église et les peuples autochtones empruntent enfin le chemin de la réconciliation.
Le pape a plutôt lancé aux fidèles cette question: «Que faire lorsque nous sommes affligés par diverses épreuves spirituelles et matérielles, lorsque nous cherchons la voie vers une société plus juste et fraternelle, lorsque nous désirons nous remettre de nos déceptions et de nos fatigues, lorsque nous espérons guérir des blessures du passé et nous réconcilier avec Dieu et entre nous?»
Il a aussitôt répondu qu’il «n’y a qu’une seule route», soit le «chemin de Jésus».
«Croyons que Jésus se joint à notre marche et laissons-nous rencontrer par lui. Laissons sa Parole interpréter l’histoire que nous vivons comme individus et comme communauté, et nous indiquer la voie pour guérir et pour nous réconcilier.»
Chacun pourra ainsi devenir «des instruments de réconciliation et de paix dans la société dans laquelle nous vivons», a dit le pape François. Afin de «passer de l’échec à l’espérance», tout comme les disciples sur le chemin d’Emmaüs.
La messe à Sainte-Anne-de-Beaupré a duré 90 minutes. Le pape est constamment demeuré assis et c’est le cardinal Gérald Lacroix, l’archevêque de Québec, qui a présidé la célébration eucharistique. Quatre heures après la fin de la cérémonie, le Vatican n’avait toujours pas publié la version française de l’homélie prononcée par le pape François. Les versions italiennes et portugaises étaient toutefois accessibles peu après.