Loïc Bizeul, candidat au doctorat au Centre du religieux contemporain de l’Université de Sherbrooke, mène actuellement un projet de recherche visant à décrire et comprendre le parcours de prêtres homosexuels québécois. Or, jusqu’à maintenant, ce sont principalement des prêtres «âgés» ou «à la retraite» qui se sont manifestés à lui. Il lance aujourd’hui un appel public sur Présence, afin d’élargir le profil «démographique» de sa recherche.
Présence : Pouvez-vous nous résumer les grandes lignes de votre projet?
Loïc Bizeul : L’objectif de ma recherche est de comprendre comment des clercs catholiques homosexuels négocient leur identité sexuelle et leur sacerdoce en contexte québécois. Afin de mener à bien cette recherche, je propose à des prêtres, en service ou ayant quitté leurs fonctions dans l’Église, de répondre à mes questions dans un entretien.
J’insiste sur le fait que cette recherche est couverte par un certificat d’éthique de l’Université de Sherbrooke qui vise à ce que l’intégrité absolue des personnes interviewées soit respectée. Toutes les informations nominatives seront détruites. De plus, tout nom de lieu et toute date mentionnés durant l’entrevue sont également modifiés de sorte qu’on ne puisse en aucun cas identifier le prêtre répondant, ceci dans le but de garantir l’anonymat le plus total des prêtres participants.
Avez-vous pu recueillir quelques témoignages jusqu’à maintenant?
Loïc Bizeul : J’ai commencé les entretiens il y a un an, avec l’objectif de rencontrer de 15 à 20 prêtres. À ce jour, j’ai rencontré 14 prêtres, ayant des profils plus âgés, autour de 65 et 70 ans. L’idéal serait d’avoir quelques profils supplémentaires, provenant des nouvelles générations, nés dans les années 1970, 1980. Je me rends aussi compte que, jusqu’à maintenant, j’ai parlé à des gens qui avaient partagé leur homosexualité à certains membres de leur entourage. Il serait intéressant d’avoir la perspective de prêtres qui assument moins bien leur identité sexuelle. Et, encore une fois, j’insiste sur le fait que le processus est complètement confidentiel.
Je commence la rédaction de ma thèse cet automne, mais je laisse la porte ouverte à intégrer de nouveaux témoignages jusqu’à l’été prochain.
Ce projet de recherche donne suite à un mémoire de maîtrise sur l’Église Saint-Pierre-Apôtre de Montréal en plein cœur du Village gai, qui a la particularité de prêcher une pastorale d’inclusivité. Qu’est-ce qui vous a amené, comme chercheur, à vous intéresser à la question de l’homosexualité dans l’Église catholique?
Loïc Bizeul : En France, alors que je commençais à vouloir affirmer mon identité homosexuelle vers l’âge de 17-18 ans, j’ai été confronté au débat sur le mariage civil et au mouvement «La Manif pour tous». À l’époque, ça m’avait beaucoup choqué de voir des gens rejeter, au nom de leur religion, la possibilité pour les personnes de même sexe de se marier.
Or, quelques années plus tard, je suis tombé sur des témoignages de personnes catholiques gaies, dans un magazine, et ça m’avait encore une fois interpellé. Je ne comprenais pas comment c’était possible de se définir comme gai — ou lesbienne — et catholique… En creusant la question, je me suis rendu compte que peu de choses avaient été écrites sur le sujet dans le monde universitaire francophone. Et c’est ce qui m’a motivé à explorer cette question.
Quels sont vos constats à ce moment-ci de votre recherche?
Loïc Bizeul : Au Québec, la question demeure fortement taboue. D’après les entrevues que j’ai faites, je comprends que tant que les prêtres ne revendiquent pas leur homosexualité de façon officielle ou publique, l’Église va les laisser tranquilles. Mais s’ils s’affichent publiquement, l’Église va être très ferme et entamera un processus de laïcisation forcée.
Ce qui ressort ensuite, c’est le parcours singulier d’hommes qui se sont engagés dans la prêtrise pour ne pas avoir à justifier l’absence de statut marital avec une femme ou de vie sexuelle avec une personne de l’autre sexe. Certains ont pu voir, dans la découverte de leur homosexualité, le signal d’un appel à une vocation religieuse. Mais je n’en suis qu’au début de ma recherche. D’autres témoignages pourraient m’amener d’autres perspectives.
Pour ceux intéressés à participer à l’étude, quelles sont les conditions d’entrevue? Et quelle est la meilleure manière de vous contacter si une personne veut participer à la recherche?
Loïc Bizeul : Généralement, il s’agit d’une entrevue unique d’environ 2 heures. Elle peut se faire à distance ou en personne; je peux me déplacer et aller à la rencontre de la personne. Les personnes intéressées peuvent me contacter par courriel à l’adresse suivante : .