Dans une lettre ouverte, 74 évêques d’Amérique du Nord, d’Afrique, d’Italie et d’Australie ont exprimé leur «inquiétude croissante» au sujet du processus et du contenu du Chemin synodal allemand, mettant en garde contre son «potentiel de schisme».
Par Greg Erlandson et Barb Fraze
Rejoignant les récentes lettres d’inquiétude des évêques nordiques et polonais, la «lettre ouverte fraternelle à nos frères évêques en Allemagne» affirme que «les actions du Chemin synodal sapent la crédibilité de l’autorité de l’Église, y compris celle du pape François».
Par son exemple destructeur, elle peut conduire certains évêques et de nombreux laïcs, par ailleurs fidèles, à se méfier de l’idée même de «synodalité», ce qui «entrave encore davantage le nécessaire dialogue de l’Église sur l’accomplissement de la mission de convertir et de sanctifier le monde», conclut la lettre.
Des Canadiens parmi les signataires
Parmi les signataires figurent le cardinal nigérian Francis Arinze, le cardinal sud-africain Wilfred Napier, le cardinal australien George Pell et le cardinal américain Raymond L. Burke.
En tout, 49 évêques des États-Unis, quatre du Canada, 19 Africains, un Italien et un Australien ont signé la lettre. La lettre a été rendue publique le 12 avril après avoir été envoyée aux évêques allemands le 11 avril.
Les quatre signataires du Canada sont l’archevêque J. Michael Miller de Vancouver, l’archevêque-émérite d’Ottawa-Cornwall Terrence Prendergast, l’évêque Stephen Jensen de Prince George (C.-B.) et l’évêque Paul Terrio de Saint-Paul (Alberta).
Scandales d’abus sexuels
Les évêques allemands, réagissant aux révélations continues d’abus sexuels commis par des clercs et à la mauvaise gestion de ces cas par les évêques, considèrent que le processus du Chemin synodal porte sur l’exercice du pouvoir et de l’autorité dans l’Église, la moralité sexuelle, le sacerdoce et le rôle des femmes.
Les évêques allemands sont tout à fait conscients des préoccupations des autres conférences concernant la direction que prend leur Voie synodale. L’évêque de Limburg, Georg Bätzing, président de la conférence épiscopale allemande, a admis que les opinions étaient très divergentes sur des questions telles que les cérémonies de bénédiction des couples de même sexe ou l’ordination des femmes comme diacres ou prêtres. Selon l’agence de presse catholique allemande KNA, il s’est engagé à ce que les évêques soumettent toutes les décisions de réforme synodale qui ne peuvent être mises en œuvre qu’au niveau de l’Église universelle au processus synodal mondial lancé par le pape François en vue du Synode des évêques de 2023 sur la synodalité.
Des impacts ailleurs
La lettre ouverte du 11 avril adressée aux Allemands indique que «les événements survenus dans une nation ont inévitablement un impact sur la vie ecclésiale ailleurs».
Elle soulève sept critiques, notamment le fait de «ne pas écouter l’Esprit saint et l’Évangile», de s’appuyer davantage sur «l’analyse sociologique et les idéologies politiques contemporaines, y compris le genre», que sur l’Écriture et la Tradition, et d’être trop centré sur le «pouvoir» et l’«autonomie».
«Le processus du Chemin synodal, à presque toutes les étapes, est le travail d’experts et de comités», indique la lettre, qui qualifie le processus de «lourd en bureaucratie, obsessionnellement critique et replié sur lui-même».
«Dans son effet, le Chemin synodal montre plus de soumission et d’obéissance au monde et aux idéologies qu’à Jésus-Christ en tant que Seigneur et Sauveur», ajoute-t-elle.
Risque de «schisme»
Les signataires de la lettre s’inquiètent de «la confusion que la Voie synodale a déjà causée et continue de causer, et du potentiel de schisme dans la vie de l’Église qui en résultera inévitablement».
En mars, après qu’une lettre critique des évêques polonais soit devenue publique, Matteo Bruni, porte-parole du Vatican, a déclaré à KNA que le pape François n’avait pas changé de position depuis une lettre de juin 2019 adressée aux catholiques d’Allemagne.
Dans sa lettre de 2019, le pape François a souligné que prendre un chemin synodal est un processus qui doit être guidé par l’Esprit saint avec patience et non une «recherche de résultats immédiats qui génèrent des conséquences rapides et immédiates». La transformation «appelle une conversion pastorale», a-t-il dit.
«Frères et sœurs, prenons soin les uns des autres et soyons attentifs à la tentation du père du mensonge et de la division, le maître de la séparation qui, en nous poussant à rechercher un bien apparent ou une réponse à une situation donnée, finit en fait par fragmenter le corps du peuple saint et fidèle de Dieu», a déclaré le pape.
Il a également mis en garde contre la tentation d’utiliser l’évangélisation comme quelque chose qui s’adapte «à l’esprit du temps».
Les préoccupations concernant les divisions et la réponse aux pressions de l’époque sont quelques-unes des principales questions citées par les évêques européens qui ont exprimé publiquement leurs préoccupations.
Rejet des critiques
En réponse à la lettre des évêques polonais, Mgr Bätzing a rejeté l’accusation selon laquelle le processus de réforme en Allemagne dilue la doctrine de l’Église et se plie à l’esprit du temps.
«Nous ne marchons pas sur le chemin de la conversion et du renouveau à la légère, et certainement pas en dehors de l’Église universelle», a déclaré l’évêque allemand. «Plusieurs fois, j’ai eu l’occasion de parler avec le pape François du Chemin synodal.»
Mgr Bätzing a déclaré que l’Église allemande faisait exactement ce que le pape François a demandé aux catholiques de la nation en 2019, c’est-à-dire s’engager dans un «voyage spirituel en demandant la guidance de l’Esprit saint».
La critique publique d’une conférence épiscopale par d’autres est tout à fait inhabituelle, mais en Allemagne également, il y a eu un débat sur la conférence synodale.