Le cardinal Marc Ouellet, le préfet du dicastère pour les évêques, a eu des mots très durs envers la démarche du chemin synodal allemand, vient de révéler l’édition italienne de L’Osservatore Romano, le journal du Vatican, dans son édition du 24 novembre 2022.
L’Église catholique en Allemagne est engagée, depuis 2019, dans une démarche de réforme structurelle appelée chemin synodal. Ce processus de consultation a été lancé après la révélation, dans les médias de ce pays, d’un grand nombre de cas d’abus sexuels de la part du clergé. Les participants à cette consultation, en majorité des laïcs, ont proposé et approuvé certaines réformes de grande envergure.
Le vendredi 18 novembre 2022, au terme de leur rencontre dite ad limina, les évêques allemands ont essuyé les critiques des cardinaux Marc Ouellet et Luis Ladaria, le préfet du dicastère pour la doctrine de la foi, sur la démarche synodale qu’ils ont animé ces dernières années. Les textes des interventions des deux cardinaux ont été publiés par L’Osservatore Romano. Le service de presse Vatican News a aussi publié les allocutions des deux préfets, en langue allemande cette fois, six jours après qu’elles aient été prononcées. La publication de l’intégralité des interventions tenues lors d’une rencontre à huis clos est «un acte de transparence inhabituelle», estime l’agence de presse I.Media.
Schisme latent
«Plusieurs critiques faisant autorité de l’orientation actuelle du chemin synodal en Allemagne parlent ouvertement d’un schisme latent que vos propositions risqueraient d’entériner», lance d’abord le cardinal Ouellet.
«Je suis bien conscient qu’il n’est pas dans votre intention de parvenir à une rupture avec la communion universelle de l’Église, ni de favoriser une vie chrétienne conforme au Zeitgeist (à l’air du temps, en allemand) plutôt qu’à l’Évangile», reconnaît-il ensuite. Mais pour l’ex-archevêque de Québec, il ne fait pas de doute que «les concessions qui apparaissent dans vos propositions vous ont été, pour ainsi dire, extorquées (estorte, en italien) par la très forte pression culturelle et médiatique».
Le cardinal Ouellet regrette même que «l’agenda d’un groupe restreint de théologiens d’il y a quelques décennies soit soudainement devenu la proposition majoritaire de l’épiscopat allemand». Cet agenda englobe l’abolition du célibat obligatoire pour les prêtres, l’accès des femmes au ministère ordonné, la «revalorisation morale de l’homosexualité» et la «prise en compte de la sexualité inspirée de la théorie du genre».
Les propositions du chemin synodal s’apparentent à un «changement d’Église» plutôt qu’à des «innovations pastorales», ajoute-t-il. «Malheureusement, je dois constater que cette proposition globale nuit à la communion ecclésiale, car elle sème le doute et la confusion parmi le peuple de Dieu.»
Le cardinal Marc Ouellet s’étonne tout particulièrement «de l’attitude adoptée à l’égard de la décision définitive de saint Jean-Paul II sur l’impossibilité pour l’Église catholique de procéder à l’ordination sacerdotale des femmes». Il considère, dans ce cas, que l’Église allemande a cédé à des «groupes de pression». Sa remarque fait référence à la lettre apostolique Ordinatio Sacerdotalis du 22 mai 1994 qui stipulait «que l’Église n’a en aucune manière le pouvoir de conférer l’ordination sacerdotale à des femmes et que cette position doit être définitivement tenue par tous les fidèles de l’Église».
Alors que des consultations sont menées partout dans le monde à l’occasion du Synode des évêques sur la synodalité, le préfet du dicastère pour les évêques propose «un moratoire sur les propositions présentées [par le chemin synodal] et une révision substantielle à faire par la suite».
«Le motif fondamental de ce moratoire est la préoccupation pour l’unité de l’Église, qui repose sur l’unité des évêques en communion et en hommage à Pierre», dit-il.