Certains journalistes ont déclaré qu’alors que la création du poste de représentant de la lutte contre l’islamophobie devait supposément atténuer les tensions, la nomination d’Amira Elghawaby les a aggravées.
Nous, de la Semaine de la sensibilisation musulmane (SSM), croyons que nommer une personne pour combattre le racisme, l’homophobie, l’antisémitisme, ce n’est pas tant pour calmer le débat – car le débat, dans le respect, doit avoir lieu – mais c’est surtout pour analyser les tenants et aboutissants de ces phénomènes de rejets pour y trouver des solutions adéquates.
La sortie du ministre Jean Boulet, pendant la campagne électorale, dénigrant faussement tous les immigrants, n’a pas soulevé un tollé aussi extrême que celui qu’affronte madame Elghawaby.
Nous nous demandons si le fait qu’elle porte le hidjab, donc qu’elle est musulmane, a accentué sa condamnation. S’agit-il de géométrie variable? En effet, nous constatons que la liberté d’expression ne se manifeste pas au même degré selon qu’on appartient à la majorité ou à une minorité.
Sensibilités québécoises
Nous croyons fermement qu’il est essentiel de faire très attention à l’utilisation de termes qui risquent de mener à des controverses catastrophiques. Par exemple, si Amira Elghawaby avait écrit, dans la fameuse citation qui fait tellement de vagues, «des» Québécois au lieu de «les» Québécois, la nuance aurait modifié le message.
Des incompréhensions de part et d’autre persistent dans notre société à cause de plusieurs malentendus. Il aurait été souhaitable que madame Elghawaby connaisse certaines sensibilités québécoises, afin de ne pas bloquer le dialogue.
La journaliste Hélène Buzetti mentionnait à Radio-Canada qu’au Québec, la religion représente une idée, donc est objet de débats, alors qu’au Canada, la religion représente une identité. Le fait que la religion soit une composante des identités multiples des Québécois musulmans ne rend pas ceux-ci insensibles aux enjeux de notre société.
Nous sommes d’accord qu’il y a des islamophobes au Québec, peut-être comme partout dans le monde, mais nous sommes loin de croire que la majorité de nos concitoyennes, de nos concitoyens, sont islamophobes.
Cependant, nous affirmons que la Loi 21 est discriminatoire. Considérons seulement ce qui concerne les musulmans. Si une femme avec un hidjab et un homme musulman se présentaient à un poste d’enseignant, la femme serait éliminée d’emblée. Où est l’égalité femme-homme, un principe que cette loi est censée défendre?
Une fonction essentielle
Le poste auquel Mme Elghawaby a été nommée est essentiel pour le Canada, pour le Québec. Certains prétendent qu’on aurait été mieux avisé de ne pas utiliser le terme «islamophobie», qui joue le rôle d’un drapeau rouge. Nous pensons au contraire qu’il faut «mettre le doigt sur le bobo» pour le diagnostiquer de façon à prescrire le traitement adéquat.
Il faut que les politiciens et les faiseurs d’opinion s’assoient avec Amira Elghawaby pour des échanges sincères, sans lesquels aucun pont ne pourrait être construit.
Nous, concitoyens québécois, dotés d’identités multiples, devons pratiquer l’écoute active pour parvenir à dissiper les malentendus entre les deux solitudes. Au fait, en sommes-nous rendus à trois solitudes : le ROC [Rest of Canada] , le Québec… et l’islam?
Les membres du conseil d’administration de la Semaine de la sensibilisation musulmane