Au Canada la bataille du changement climatique est engagée devant les tribunaux. Le gouvernement fédéral crie victoire sur la taxe carbone, alors que la Saskatchewan, soutenue par d’autres provinces, portera le litige en Cour suprême. Entre-temps, les autochtones du nord-ouest du pays vivent dans la terreur des incendies de forêt, et les populations des Maritimes, du Québec, de l’Ontario et de la Colombie-Britannique redoutent les inondations frappant grandes et petites agglomérations.
En même temps, partout sur la planète, des pays riches, comme les États-Unis, sont aussi frappés de cataclysmes. L’Asie, habituée aux fureurs venues de la mer, en connait de pires. L’Afrique déjà aux prises avec des fléaux naturels souffre de conflits qui jettent des populations entières sur les chemins de l’exil. Certes, les sociétés d’aujourd’hui contribuent à ces malheurs. Elles n’ont pas su voir l’impact qu’elles avaient sur l’environnement, pas plus qu’elles ne savent maintenant comment gérer les déchainements climatiques.
L’humanité, il est vrai, a connu d’autres temps de crise: famines, épidémies, invasions, séismes, déluges. Elle avait survécu aux «extinctions» des premiers groupes humains. Elle aura même appris à maîtriser les forces de la nature. Des empires auront plus tard développé des armes de plus en plus destructives. Pourtant aucun de ces engins n’avait, avant la crainte d’une «guerre nucléaire», menacé la survie de l’espèce humaine.
Une pire crise globale nous interpelle. Pour les uns, le changement climatique n’a rien d’apocalyptique. Pour d’autres, il va entrainer la fin plus ou moins proche de la vie sur terre, si rien n’est fait pour renverser la marche à l’abîme. Et pour certains, il serait même déjà trop tard: l’humanité, à supposer qu’elle subsiste, serait ramenée à l’âge de pierre.
Nouvelle guerre commerciale en Asie et tensions militaires ailleurs, surtout au Moyen-Orient. Crises politiques et corruption en Amérique latine. Union européenne réduite à l’impuissance, chez elle comme sur la scène internationale. Résurgence de nationalismes xénophobes, discrédit des partis démocratiques. Sur tous les continents, propagation de courants terroristes. Décomposition du pouvoir central aux États-Unis et au Royaume-Unis. Nulle part, en cas de péril mondial, voit-on une force réellement capable de mobiliser les nations contemporaines.
Le Canada aussi connaît des désastres naturels, mais en cas de choc planétaire Ottawa aurait du mal à proposer des concertations mondiales.
Le Canada aussi connaît des désastres naturels, mais en cas de choc planétaire Ottawa aurait du mal à proposer des concertations mondiales. Le Parti libéral promettait de ramener le pays au cœur des affaires internationales, mais son gouvernement peine, depuis, à s’y faire entendre. Déjà le premier ministre Justin Trudeau maîtrise mal plusieurs des graves problèmes, anciens et nouveaux, qu’affrontent les gouvernements du pays: justice criminelle, minorités, migration, sécurité publique. Qu’en serait-il d’un défi mondial?
Lors des inondations récentes qui ont frappé quatre provinces, les sinistrés et les services qui leur ont porté secours ont montré une discipline et une solidarité exemplaires. Mais le rétablissement des gens et des secteurs affectés n’ira pas sans difficultés ni problèmes humains et financiers. Et surtout les futures mesures de prévention et leur coût sont encore loin de faire l’objet d’un consensus ni parmi les populations ni entre les pouvoirs publics.
Le temps presse d’en venir à des politiques locales et nationales qui permettront d’identifier les zones à risque, car inondations, conflagrations, sécheresses et autres calamités pourraient survenir n’importe où et n’importe quand. Or, la fragmentation politique et surtout électorale du pays pourrait, l’urgence immédiate passée, ramener gouvernants et politiciens à leurs rivalités stériles. Pire encore, de nouvelles crises risqueraient de faire prévaloir de nouvelles improvisations.
Le défi d’établir une juste politique de lutte et de prévention en matière de changement climatique impose de «se presser lentement». Des solutions qu’on croyait invincibles, telles les digues géantes, ont été déjouées par la force, l’ampleur et la durée des nouveaux envahissements. À quoi bon ériger des murs contre l’océans si un déluge soudain peut implacablement tomber du ciel? Certes, des peuplades vivent encore sur des barques ou dans des maisons sur pilotis. Mais que fait-on des villes densément peuplées?
Le changement climatique pose des défis inusités. Ainsi, la fonte des glaciers ajoute au risque d’inondation ailleurs sur la planète. Et la chaleur qui les fait disparaître privera bientôt les populations de l’Arctique du sol gelé où, depuis toujours, elles trouvaient habitat et moyens de subsistance. Par où commencer les interventions et quelles mesures appliquer à ces territoires? Voilà qui n’est pas seulement affaire d’expert, mais aussi de population. On n’ose imaginer les paniques qu’engendreraient des migrations massives.
Sur ce demi-continent qu’est le Canada, la diversité des climats, de la géologie – montagnes et surtout lacs, rivières, fleuves et océans – demande plusieurs expertises et une variété de solutions. Une Commission mixte d’enquête sur le changement climatique, établie entre les paliers de gouvernement, donnerait sans doute des garanties d’indépendance, d’impartialité et de compétence technique. Nulle élection ne saurait trancher les dilemmes que pose la question climatique.
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