Le pape François a eu l’occasion de rencontrer les évêques du Québec à deux reprises au cours de leur visite ad limina qui vient de se terminer à Rome. Dans son discours du 13 mai, il n’aurait pas hésité à appeler les évêques à «promouvoir la ‘floraison complète’ de l’implication des laïcs» dans l’Église. Avec le peu de baptisés qui lui demeurent attachés et le petit nombre, très majoritairement féminin, qui s’y implique, n’est-il pas trop tard pour encourager une telle ouverture dans l’Église?
«La floraison est le processus biologique de développement des fleurs. Elle est contrôlée par l’environnement (lumière, humidité, température) et les phytohormones. Dans la nature, la floraison est contrôlée par le phénomène d’induction florale.» (Wikipedia)
Un contrôle favorable… ou non!
La floraison comporte des facteurs internes et externes. Comme pour les humains, les hormones de croissance s’activent au temps opportun. Le phénomène d’induction, quant à lui, comprend plusieurs étapes qui doivent se succéder et que les jardiniers connaissent bien. Tenter de faire des semis de tomates à l’automne, par exemple, est peine perdue. Pour qu’elle soit optimale, la floraison doit se faire dans des conditions favorables et tenir compte de «l’environnement».
Appliqué à l’Église et aux laïcs, le concept suggéré par le pape paraît attrayant. Pourrait-il aider à discerner quand et comment permettre une nouvelle étape de la croissance du «laïcat»? Par exemple, «l’environnement» rendu favorable à l’Action catholique au milieu du XXe siècle et conduisant au concile Vatican II a pu activer de telles «hormones» à cette époque, suscitant par «induction» des leaders chrétiens dans la cité.
Un nombre important de baptisés, hommes et femmes, a souhaité aussi pouvoir s’engager à l’intérieur de l’Église, à tous les niveaux, pour répondre à ce qu’ils ressentaient comme un appel. Mais quelque chose les en a empêchés. Est-ce le cléricalisme, cette frontière étanche créée par l’ordination de quelques-uns? Est-ce le manque de vision face à un avenir hasardeux? Ou le désistement massif des baby-boomers désabusés par «l’environnement» ecclésial jugé trop rigide, trop hiérarchique?
N’empêche que maintenant les appels pressants pour trouver des «bénévoles» responsables dans l’Église du Québec sentent davantage le last call avant le naufrage qu’une étape normale de la floraison!
Le «plafond» sacerdotal
Évidemment, en pratique, tous ne peuvent ni ne doivent accéder à toutes les fonctions au sein d’un organisme, mais si certains sont empêchés statutairement d’entrevoir cette possibilité, la conséquence est l’impression qu’il existe des castes. Cela crée un fort sentiment d’iniquité. Dans l’Église, celui-ci est amplifié du fait qu’elle exclut systématiquement la moitié de l’humanité, les femmes, parce que le sacrement de l’ordre, condition pour exercer les principaux rôles d’autorité, leur est refusé depuis toujours.
Même si elles sont encore largement minoritaires en politique et dans les entreprises parmi les têtes dirigeantes, les femmes, du seul fait que le droit leur est équitable, sont à même de pouvoir espérer que «l’induction florale» fera de plus en plus son œuvre et que le fameux plafond de verre finira par se briser définitivement. Et même si cela prend du temps, leur présence en politique permet de transformer le modèle traditionnel d’autorité de l’intérieur, apportant plus d’écoute, plus de compassion, plus de justice.
Le pape peut bien intimer les évêques québécois d’accorder plus de responsabilités aux laïcs. Tant que le modèle d’autorité ne sera accessible qu’en passant par l’ordination, le système d’induction ne pourra achever le processus de «floraison complète».
Les hauts responsables de la curie romaine, incluant le pape, peuvent bien dire que les femmes et les hommes non-ordonnés ne doivent pas copier le modèle clérical de pouvoir, il n’en demeure pas moins que la seule manière «inductive» de le changer passe par l’accessibilité de droit à toutes ces fonctions pour n’importe quel membre de l’Église, du seul fait qu’il ou elle est baptisée.
Nous le voyons dans d’autres Églises chrétiennes qui ont ouvert la voie depuis longtemps, où des femmes prêtres, des femmes évêques et tout récemment une femme évêque noire assurent les plus hautes fonctions en les investissant d’un sens du service souvent plus authentique!
Pour les catholiques, il est encore loin le temps où «l’environnement» ecclésial sera véritablement favorable à la «floraison complète» de l’implication des laïcs… Sauf si quelques évêques, chauffés par leur jardinier en chef, se mettent à le vouloir. Vraiment.