Ce qui se passe à Cuba ce 12 février est historique. Pour la première fois depuis le grand schisme de 1054, un patriarche de Moscou, à la tête de la plus importante Église orthodoxe du monde avec ses 90 millions d’âmes, rencontre le pape de Rome.
Ce tête à tête entre Cyrille et François se veut sobre, alors que la signature d’une déclaration commune couronnera l’événement.
Pour les deux Églises, il s’agit d’un moment espéré depuis si longtemps que les fidèles s’étaient résignés à l’attendre jusqu’à la fin des temps! Alors il va de soi, pour les chrétiens des deux confessions, qu’il faut y voir un événement absolument extraordinaire.
La déclaration, même si elle ne pourra qu’être vague et polie, marquera l’histoire parce qu’il s’agit du premier document signé par les deux patriarches après des siècles de méfiance réciproque.
Ce rapprochement est certainement dû, pour une bonne part, au travail de fond des émissaires des deux Églises depuis plusieurs années. L’ouverture du concile Vatican II à l’œcuménisme et sa détermination à ce que l’Église contribue à la paix et à la justice entre les peuples y est également pour quelque chose… C’est comme une semence qui surgit enfin après une attente interminable.
Un geste plus que religieux
Si cette nouvelle est bonne pour les deux confessions chrétiennes, elle l’est sans doute davantage encore pour le monde et son avenir. Car lorsque les croyants se divisent et sont poussés à la haine les uns des autres, à l’instar de leurs nations ou de leurs ethnies, ils deviennent complices de leurs conflits politiques. En effet, même s’ils n’encouragent pas directement le recours à la guerre, en s’opposant sur le fond religieux ils se neutralisent mutuellement et en viennent à permettre le pire.
Depuis les débuts de la chrétienté, l’Église de Rome s’est mêlée d’affaires politiques. Le plus souvent, des empereurs et des monarques faisaient appel à la sagesse du pape pour arbitrer les conflits. Grâce à cette influence grandissante, les papes ont institué un service diplomatique avec des représentations dans tous les pays qui fait l’envie de tous. On a longtemps reproché à l’Église de se mêler de choses temporelles qui ne la regardaient pas, parfois avec raison. Mais force est de constater qu’en certaines occasions la médiation papale aura permis de faire déboucher des situations sans issue.
En retour de l’ascenseur que le pape François lui a envoyé en se faisant l’hôte de la rencontre Obama-Castro, ce dernier a accepté de jouer à son tour le médiateur pour accueillir les deux chefs religieux. Dans le premier cas, le sommet Cuba-États-Unis était un geste historique, après 56 ans de haine réciproque. Dans le second, il faut y ajouter plus de 900 ans de dos tournés pour constater à quel point une ouverture en appelle une autre, tellement plus inattendue!
Un pas pour la paix
Le pape François a forcément compris que la Russie est un joueur incontournable dans la recherche de la paix mondiale. Et pour se rapprocher de cette puissance et ensuite amener d’autres acteurs mondiaux à le faire, rien de mieux que de commencer dans sa cour, celle de la religion, en appelant ainsi les catholiques à l’humilité dont il se fait le modèle.
La suite conduira peut-être à des solutions permettant d’arrêter le génocide des chrétiens au Moyen-Orient, un objectif commun aux Églises orientales et à celle de Rome. Toute solution qui donnera à ces minorités un peu de répit devrait par ailleurs contribuer également à une voie de sortie plus globale entre tous les belligérants, y compris au sein de l’Islam.
Car l’exemple donné par des croyants dans la recherche de la paix ne pourra que rayonner au sein des religions de partout et les inciter à utiliser les ressources de la foi pour apaiser les conflits et trouver des chemins de réconciliation et de paix durable.
Songez désormais à François et Cyrille pour un Nobel de la paix.