Le rassemblement de suprémacistes blancs et de néonazis qui s’est tenu durant le weekend dernier à Charlottesville aux États-Unis apparaît clairement comme un symptôme alarmant de la haine raciale et xénophobe qui sévit depuis toujours au sein de certaines couches de la population blanche américaine.
La mort d’une femme et les blessures infligées à plusieurs manifestants par un jeune activiste d’extrême-droite va de pair avec le déchaînement de cette haine érigée en «liberté d’expression» qui a droit de cité comme jamais auparavant.
Du terrorisme, rien d’autre
Le geste de cet homme est du même ordre que ceux, récents, que le monde n’a pas hésité à qualifier de terroristes. Un tel passage à l’acte trouve sa légitimation dans l’extrémisme idéologique. Nous le voyons, l’idéologie de la haine est une dérive qui peut se greffer à tout groupe, tant religieux que politique, ethnique ou nationaliste, qui se persuade lui-même d’être sous la menace d’un ennemi, imaginé ou réel.
Il peut arriver que la religion fournisse des justifications à la violence quand une connaissance insuffisante de ses fondements en arrive à générer des excès. Mais même dans ces cas-là, ce n’est pas tant la religion qui est en cause que l’idéologie du refus de l’autre et de la différence et la prétention de pouvoir exercer un droit «d’oppression».
Cette conviction se répand comme une gangrène lorsqu’elle n’a pas été éradiquée à temps. Elle produit une attitude qui sème l’intolérance en se nourrissant de la peur de l’autre et de la fausse estime de soi. Elle se traduit en complexe de supériorité raciale, nationale ou religieuse qui finit par légitimer les pires exactions.
Tous les groupes humains peuvent un jour ou l’autre se laisser gagner par de telles dérives. Sans mesures adéquates pour les restreindre, elles se diffusent de manière souterraine jusqu’au jour où l’horizon s’ouvre pour qu’elles puissent célébrer au grand jour. Ce qui semble être le cas dans les États-Unis de Donald Trump.
Cette image d’une foule d’hommes blancs marchant avec leurs torches enflammées, finissant leur parcours devant une église en terrorisant les fidèles coincés à l’intérieur est une réminiscence de cette époque où le Ku Klux Klan pouvait se permettre impunément de tenir de telles manifestations de haine allant parfois jusqu’au lynchage.
S’opposer au nom de l’humanité
Il faut applaudir les groupes antifascistes et associations civiques qui ont organisé la contre-manifestation antiraciste à Charlottesville, malgré les risques évidents de dérapage tant d’un côté que de l’autre.
Lorsque près de 6 000 personnes peuvent parader impunément dans les rues pour défendre leur liberté d’expression, en se drapant de symboles nazis, arborant des costumes rappelant cette «grande armée» qui a répandu le sang et la mort lors de la plus meurtrière de toutes les guerres de l’humanité, c’est à se demander si les pouvoirs politiques, judiciaires et policiers n’ont pas perdu le gros bon sens et comploté pour «laisser faire». Le discours qui légitime de telles manifestations ne vient-il pas du plus haut niveau de la hiérarchie?
Mais revenons à cette communauté qui priait un certain vendredi soir. Ces gens allaient devenir la cible d’une persécution raciale au nom d’une Amérique blanche. Tant à Québec en février dernier qu’à Charlottesville, on trouve la religion du côté des victimes et non pas de celui des agresseurs.
Les groupuscules québécois qui s’alimentent à la même table du racisme militant que ceux qui étaient présents à Charlottesville auront besoin qu’un mur de solidarité s’érige haut et fort si nous voulons éviter que la gangrène traverse la frontière, ce qui serait bien pire pour notre avenir commun que la vague des demandeurs d’asile qui, justement, la fuient.
La haine vient du cœur humain qui la produit lorsqu’il se laisse enfermer dans la peur de l’autre et l’insécurité face à son identité complexée. Elle est loin d’être l’apanage des religions, mais elle en reproduit les tares sectaires lorsqu’elle se transforme en idéologie identitaire.