Le résultat du référendum sur le cimetière musulman à Saint-Apollinaire, tenu le 16 juillet 2017, semble avoir créé plus de divisions que de consensus, même si le processus s’est réalisé de manière démocratique. Le déchaînement de la haine des uns contre les autres devient malheureusement routinier. On s’en passerait bien!
Cet exercice a permis de mettre au jour certains aspects de la problématique. En particulier, on aurait découvert qu’une petite minorité seulement de musulmans exige des cimetières exclusifs au lieu d’espaces spécifiés dans des cimetières existants. Cette idée ferait même en sorte de délégitimer la demande de l’Association islamique de Québec, qui serait maintenant pointée comme intégriste.
On meurt comme on vit…
Lorsque la vaste majorité des Québécoises et des Québécois étaient catholiques et pratiquants, leur fin de vie cadrait parfaitement avec leurs valeurs et leurs croyances. Il allait de soi qu’ils devaient être enterrés dans un cimetière à l’enseigne de la seule vraie religion. Il n’était pas question pour l’Église d’enterrer avec ses fidèles des défunts athées ou affiliés à une autre religion, y compris d’autres confessions chrétiennes.
Et puis les choses ont changé. On a vu l’Église s’ouvrir à la crémation à partir de 1963 et aux cimetières chrétiens dans les années 1980. Aujourd’hui, un grand nombre de catholiques non pratiquants ne voient même plus l’importance de faire enterrer leurs cendres et les conservent parfois dans des conditions douteuses.
L’évolution des coutumes funéraires va avec la manière de vivre et celle-ci est devenue multiforme.
En ce qui concerne les musulmans, il est généralement entendu que les prescriptions de leur religion doivent s’arrimer avec les lois et les coutumes des États, selon un principe bien simple : là où c’est possible, on fera tout comme en terre d’islam; mais là où ça coince, on s’adaptera au mieux…
La hausse significative de l’appartenance à l’islam au Canada a changé la donne. Les mosquées, lieux de rencontre et de prière, se sont développées partout où un groupe significatif de musulmans résident, comme le faisait l’Église autrefois. La préoccupation de l’heure de la mort résonne plus fort au sein des familles dont les membres vieillissent.
Certains cimetières chrétiens ont ouvert des carrés musulmans. Il y a aussi des cimetières multiconfessionnels qui ne regardent pas la religion comme un critère d’exclusion. Mais pour ceux qui tiennent à une sépulture accomplie strictement selon les prescriptions de l’islam, il n’y a qu’à Laval où ce service est offert.
Rigidité ou ferveur religieuse?
Que certaines associations islamiques réclament des cimetières musulmans est une chose qui va avec l’évolution de notre démographie. Mais la question est de savoir pourquoi celles-ci ne se contentent pas des cimetières mixtes.
Au-delà de la dimension identitaire, peut-être faut-il chercher du côté de la profondeur des liens de la personne avec sa religion et son positionnement sur le caractère intégral de ses préceptes. Par exemple, il est interdit à tout musulman de boire de l’alcool. Mais il n’est pas rare de côtoyer une personne musulmane sirotant une bière ou un verre de vin. De même, il est interdit à tout couple chrétien d’user de moyens artificiels de contraception. Or l’usage de la pilule, du stérilet et même de l’avortement est loin d’être à la traîne chez les Québécoises dont la majorité est encore catholique!
À l’inverse, des catholiques qui persistent à se faire enterrer dans un cimetière catholique, ça existe toujours, de même que des juifs dans un cimetière exclusivement juif. Que des musulmans veulent s’assurer que leur sépulture respectera entièrement les formes prescrites par leur religion paraît donc tout aussi recevable.
La personne qui respecte un interdit religieux n’est pas plus asociale qu’une autre. Elle fait ce qu’elle croit convenable voire nécessaire pour être en cohérence avec sa foi.
Nous sommes une société devenue multiethnique et multiconfessionnelle. Que chacun puisse vivre selon ses coutumes et ses croyances, tout en s’intégrant à la culture commune, devrait être un facteur de fierté collective y compris jusque dans la mort.
Les riverains du projet de cimetière de Saint-Apollinaire ne sont ni plus ni moins racistes que l’ensemble des Québécois.
Ceux qui ont voté contre le projet peuvent avoir été influencés par l’ambiance négative qui règne autour de l’immigration musulmane et du terrorisme international.
Une chose est certaine: nous ne réussirons jamais l’intégration de nos immigrants si nous ne leur accordons pas le droit de mourir et de reposer en paix, selon ce que leur dicte leur conscience.