Rallumer l’enthousiasme défaillant des catholiques et d’un bon nombre d’intervenants pastoraux à Montréal. Voilà essentiellement le défi auquel fait face l’archidiocèse de Montréal pour les 1,5 million de fidèles. Finances, formation, coordination de la diversité culturelle et pastorale: les chantiers où est attendue l’expertise du nouvel évêque auxiliaire, Alain Faubert, nommé par Rome le 19 avril pour venir appuyer l’archevêque Christian Lépine, sont nombreux.
Le parc immobilier des églises catholiques à lui seul est un casse-tête financier qui touche autant les paroisses que les coffres diocésains. Un moratoire sur la vente d’églises imposé en 2012 par Mgr Lépine a été critiqué. Aussi louable soit le souhait de maintenir des lieux de proximité, comment justifier les dépenses associées au maintien d’autant d’églises pour une population de pratiquants toujours en déclin? Même les paroisses de quartiers bien nantis où les messes sont très fréquentées peinent à couvrir les frais de réparations d’église et de presbytère.
Rares sont les paroisses où il y a une véritable relève chez les gens de 50 ans et moins. Parallèlement, des communautés nouvelles et des mouvements jeunesse semblent concentrer le bassin actif des 18-35 ans dans leurs sphères d’activités, souvent sans lien avec une paroisse. Ces réalités d’Église pourraient-elles mieux se complémenter? Oui, mais pour cela, une vision concertée et un leadership clair sont nécessaires.
Le diocèse compose également avec une mixité culturelle, alors que catholiques hispanophones, africains, italiens, haïtiens, philippins et portugais – entre autres – cohabitent dans un ensemble qui demeure malgré tout francophone, quoique tiraillé par la réalité des « deux solitudes » (francophone et anglophone) qui marque l’histoire de Montréal. Ayant travaillé aux services diocésains de 2007 à 2012, j’ai vécu de près les sensibilités de part et d’autre. Pour éviter le repli, il faut vigilance et dialogue, sans quoi le risque est de tendre à deux diocèses en cohabitation. Comment vivre l’unité dans la diversité? Et comment, dans cette diversité, faire Église non pas pour consolider une identité culturelle ou nationale, mais pour offrir l’essentiel de la foi à un quartier, par la célébration, l’éducation, la solidarité?
Le nouvel évêque auxiliaire connaît la complexité du diocèse. Les attentes sont élevées pour cet ancien vicaire épiscopal, dans un contexte où la suppression des régions administratives a eu pour effet de démotiver des intervenants pour qui l’animation et le soutien régionaux aidaient à nourrir leur vision et leur action pastorales.
Repenser le soutien au personnel pastoral et la formation continue est un chantier primordial pour l’Église de Montréal si elle veut dépasser les clichés que sont les expressions «nouvelle évangélisation» et «tournant missionnaire», qui ne veulent rien dire pour la majorité des personnes qui n’y voient que du jargon pastoral.
Sur le terrain, plusieurs catholiques demandent un autre type de présence mettant l’accent sur l’accompagnement humain et spirituel offert aux jeunes, aux familles, aux personnes démunies ou malades. L’Église crédible est celle qui écoute et dialogue dans les zones grises de la société, plutôt que d’imposer ses vérités en noir et blanc.
Chez les catholiques, le rôle fondamental d’un évêque, en son sens étymologique, est de «veiller à l’ensemble». Écouter d’abord, discerner dans la collégialité, agir en coresponsabilité. Voilà le meilleur plan de match pour Mgr Faubert face à la complexité, la diversité et l’appel à la crédibilité de cette Église à Montréal qui n’a d’autre choix que de s’engager sur ses routes en chantier, à l’aube des 375 ans d’un Montréal qu’elle a en grande partie contribué à construire.