Ce qui devait être une rencontre centrée sur l’écologie, la pastorale en Amazonie et la possibilité d’ordonner des hommes mariés dans le contexte amazonien, met en exergue un enjeu planétaire, celle de la femme dans l’Église et du diaconat féminin.
Du 6 au 27 octobre se déroule au Vatican un synode sur l’Amazonie. La portée de ce synode ne sera pas que régionale, alors qu’on retrouve autour de cet écosystème plusieurs des enjeux du catholicisme mondial.
Or, on le constate encore une fois: un synode des évêques demeure essentiellement une rencontre d’hommes. Aucune femme, si compétente soit elle, n’a le droit de voter lors de cet exercice, une situation qui a été une fois de plus dénoncée au cours des dernières semaines.
La question des viri probati – ces hommes mariés vertueux, reconnus comme des leaders spirituels au sein de leur communauté, que l’on songe à ordonner à la prêtrise – a accaparé une grande partie de l’attention avant et pendant le synode. Ce serait, dit-on, une manière de contrer le manque de prêtres. Dans les faits, les débats sur les viri probati sont intimement liés aux rôles que l’on veut bien accorder aux femmes au sein de l’Église.
Il est éloquent de constater une forte affirmation de l’importance des femmes dans les différents rapports de presque tous les cercles linguistiques présents au synode. Une affirmation qui occupe souvent plus de place que le manque de prêtres.
Cette préoccupation surgit quelques mois après que l’assemblée générale du Conseil épiscopal de l’Amérique latine – le fameux CELAM – tenue au Honduras en mai, eut abordé de front la question des femmes, sans pour autant offrir de grande nouveauté en la matière.
Au cours des derniers jours à Rome, les différents cercles linguistiques ont discuté, sans le dire directement, de l’apostolat des femmes sous le couvert du diaconat féminin. Certains groupes ont été très précis sur la question, d’autres sont demeurés discrets. Examinons les prises de position des différents groupes.
Au sein des cercles lusophones, la possibilité du diaconat féminin est évoquée directement. On invite à réfléchir à la question et à l’envisager, en faisant appel à «de nouvelles maturités et approfondissements». Pour les évêques de langue portugaise, un possible diaconat féminin demeure une voie à explorer et à envisager.
Ces interpellations se retrouvent aussi largement du côté des cercles hispanophones. Bien que l’idée de diaconat ne se retrouve pas au sein de tous ces cercles, le rôle des femmes n’en demeure pas moins abordé franchement, souvent en ouvrant la porte à une reconnaissance juste et accrue de leur rôle, y compris au sein de ministères renouvelés ou nouveaux.
Dans les deux cercles italiens, la question des femmes et du sacerdoce pour les hommes mariés n’a pas une écoute favorable. Dans le cercle A on ne discute en rien du rôle de la femme et surtout pas de son diaconat. Sur la question de l’accession au sacerdoce aux hommes mariés, on n’y est nullement favorable. Le cercle B ne discute pas du diaconat féminin. En ce qui a trait au sacerdoce pour les hommes mariés, on est également muet.
Quant au cercle anglophone/francophone, il n’a rien produit concernant le rôle de la femme ou encore du sacerdoce pour les hommes mariés. Bref, c’est un groupe qui ne prend pas position, du moins officiellement dans son rapport d’étape.
L’ouverture des cercles portugais et espagnols contraste avec le mutisme italien. Il faut toujours avoir à l’esprit que les Italiens présents proviennent en partie de la curie romaine, une force non négligeable dans un tel synode. On verra dans les prochains jours, la force de ces deux cercles.
On sait que le synode ne prend pas de décision comme telle. Il doit parvenir à fournir un rapport au pape en le conseillant sur les différents aspects abordés lors des discussions. Le pape est alors entièrement libre de donner suite à ce rapport… ou non. Généralement, l’exercice fournit de la matière pour la production d’une exhortation apostolique, un document pontifical qui traite des enjeux soulevés au synode. C’est notamment ce qui est arrivé avec Amoris laetitia, l’exhortation-choc du pape publiée après les deux synodes sur la famille de 2014 et 2015 qui a énormément fait réagir en raison de ses passages qui montrent une certaine ouverture disciplinaire envers les personnes divorcés et remariées. Mais théoriquement, le pape n’est pas obligé de tenir compte de l’avis du synode.
Il serait peut-être ampoulé de parler d’un affrontement entre les cercles luso-hispanophones et les cercles italiens. Il est toutefois raisonnable de souligner à gros traits des divergences de traitement qui ne sont en rien anodines.
Il s’agira de voir comment ce contraste parviendra à se frayer un chemin dans le document final qui sera remis au pape. Et, peut-être dans quelques mois, comment le pape lui-même en tiendra compte.
Mais qu’il s’agisse de sacerdoce, d’écologie, d’engagement social, de rites ou de ministères, il est permis de se demander si les femmes ne constituent pas finalement la véritable clé de voûte de ce synode. Une clé de voûte quelque peu embêtante, à l’image de ces statuettes de bois évoquant les cultures amazoniennes et représentant des femmes enceintes qui ont été dérobées dans une église romaine et lancées dans le Tibre, à deux pas du Vatican. Geste symbolique associé à un pan de l’Église catholique qui n’accepte pas d’être bousculé, surtout pas par des femmes, qu’elles soient de chair ou de bois.
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