Après s’y être opposé publiquement à plusieurs reprises, le pape François a fait modifier de manière importante l’article 2267 du Catéchisme de l’Église catholique relatif à la peine de mort, rendant celle-ci «inadmissible» peu importe la situation.
La version de 1998 affirmait plutôt que «l’Église n’exclut pas […] le recours à la peine de mort, si celle-ci est l’unique moyen praticable pour protéger efficacement de l’injuste agresseur la vie d’êtres humains». L’article complétait plus loin en parlant de cas d’absolue nécessité qui «sont désormais assez rares, sinon pratiquement inexistants».
Cette modification dans un texte officiel paraît simplement logique lorsque l’on considère la lente évolution de la pensée de l’Église sur la peine capitale. Pour ce qui est de la position de François, elle ne fait que s’appuyer sur celle développée par Jean-Paul II qui défendait une véritable «culture de la vie». François avait courageusement pris position devant le Congrès américain, en septembre 2017 – comme il l’avait fait lors de son voyage aux États-Unis deux ans plus tôt –, pour que la condamnation à mort de Kelly Gissendaner dans l’État de Géorgie, soit commuée en peine à perpétuité, un combat qu’il a perdu lorsque celle-ci fut exécutée le 30 septembre.
Bref, la modification du catéchisme est une correction en vue de mieux correspondre à l’évolution du magistère, surtout pour interpeller les gouvernements là où persiste le recours au meurtre d’État. Le fait de procéder à cette modification entre deux révisions du compendium de la doctrine catholique lui donne un caractère d’urgence.
Du début à la fin de la vie
Cet enseignement vient boucler de bout en bout une position morale explicitée dans Evangelium vitae (Jean-Paul II, 1995) qui estime que la vie humaine est sacrée et qu’il importe de la protéger depuis sa conception jusqu’à sa fin naturelle. Même les criminels les plus crapuleux ne sont pas écartés de la grâce divine et, de ce fait, leur vie repose entre les mains de Dieu et non des hommes.
Mais cela ne fait pas l’unanimité chez les chrétiens. J’en veux pour preuve une situation vécue il y a quelques années, alors qu’une vague de solidarité avait cours sur les réseaux sociaux pour tenter de sauver un condamné que plusieurs jugeaient innocent.
J’avais interpelé le fondateur du site pro-vie LifeNews.com qui se dévoue essentiellement à combattre l’avortement aux États-Unis. Je voulais le convaincre de recourir à ses abonnés pour faire pression sur le Gouverneur de l’État. L’homme m’avait répondu sèchement: «Quand les militants contre la peine de mort se montreront aussi déterminés à abolir l’avortement, alors je les appuierai.» À mon tour, je lui avais répondu que s’il était réellement pro-vie, comme il le prétendait, il n’hésiterait pas à défendre la vie de tout être humain… La conversation s’était arrêtée là. Le détenu avait été exécuté.
Une cohérence qui pèse
L’Église est désormais cohérente: pas de mise à mort pour une vie naissante (avortement), ni pour une vie innocente (meurtre), ni pour une vie agonisante (euthanasie) ni même pour une vie jugée indigne de se poursuivre (exécution). «Tu ne tueras point», point.
Si sa doctrine n’a jamais été aussi claire à propos du caractère sacré de la vie, il subsiste quelque ambiguïté. Ainsi, malgré l’inadmissibilité de la peine de mort, l’Église affirme depuis toujours que le juge condamnant à la peine capitale et le bourreau qui procède à l’exécution (de même que le soldat en contexte de guerre) ne commettent pas de péché en prenant la vie d’autrui.
Mais elle dit tout le contraire à propos des soignants procédant à l’avortement et même du parent d’une mineure qui soutiendrait sa fille dans une telle situation, ceux-ci se retrouvant automatiquement excommuniés. Or, il se peut que le dilemme moral soit assez semblable puisqu’il s’agit, d’une part, d’obéir à des lois civiles et, d’autre part, qu’il peut y avoir des motifs sérieux de recourir à l’avortement dans des cas où la poursuite de la grossesse aurait des conséquences jugées pires que son interruption. La condamnation des uns paraît disproportionnée face à la clémence pour les autres…
On ne peut nier que l’humain a besoin d’une morale pour éclairer sa conscience – ce à quoi l’Église catholique s’attache depuis toujours –, mais il lui faut les conditions pour l’exercer qui permettent aussi une culture de la vie bonne pour tous et chacun, ce qui est loin d’être le cas pour tous. C’est alors que, parfois, la cohérence morale risque de devenir un joug impossible à supporter.
La vocation fondamentale des baptisés est de «donner la vie» pour qu’elle soit «abondante» (Matthieu 8, 20). Et il y a tant de situations qui présentent une «carence de vie»… On aura toujours besoin de ces «artisans de vie» qui savent soulager, accompagner, libérer pour rendre à chaque être humain sa dignité afin qu’il accomplisse pleinement sa vocation.