En énonçant des directives limitant l’accès aux funérailles et au sacrement des malades pour ceux qui ont recours à l’aide médicale à mourir, les évêques d’Alberta et des Territoires du Nord-Ouest ont poussé plusieurs évêques ailleurs au pays à clarifier leur propre position quant à l’admission aux funérailles à l’église. Bien souvent sans que les fidèles aient été entendus.
Un évêque a l’autorité dans son diocèse pour énoncer des directives et orientations pastorales, dans la mesure où celles-ci sont en cohérence avec le Code de droit canonique de l’Église. Dans ce cas en question, il y a un vide juridique. Le Code ne se prononce pas précisément sur le fait de refuser les funérailles à une personne qui a eu recours à l’aide médicale à mourir. Face à cela, ces six évêques de l’Ouest ont voulu, avec raison, prendre à bras-le-corps de nouvelles situations pastorales.
L’autonomie a ses mérites, mais elle peut engendrer de la confusion. Qui dit vrai? Comment se référer à «l’Église» quand un diocèse a une directive particulière que le diocèse voisin n’a pas?
Depuis qu’il est pape, François semble encourager la décentralisation en renvoyant au discernement des évêques et des prêtres, comme dans le cas de l’accès à la communion eucharistique pour les couples divorcés et remariés civilement. C’est notamment le cas dans Amoris laetitia, son exhortation apostolique sur la famille publiée il y a quelques mois, qui invite les pasteurs à discerner avec les couples concernés. Faute d’indications plus claires, des évêques et des conférences épiscopales ont jusqu’ici émis des orientations variables.
Devant des situations pastorales de plus en plus complexes, le Code de droit canonique de 1983 n’a pas tout prévu. Du discernement, il en faut déjà beaucoup. Et il va en falloir sans cesse.
Conjoints de fait qui demandent le baptême de leur enfant, personne homosexuelle en couple qui demande le sacrement de confirmation, mariages interreligieux, mariages de non-pratiquants attirés par la valeur photographique de l’église, première communion d’enfant pour faire plaisir à grand-maman, décès médicalement assisté… Ces situations placent le personnel pastoral entre l’arbre et l’écorce. Comment honorer la quête de sens et l’ouverture à la foi tout en ne diluant pas la tradition catholique?
Plusieurs personnes optent déjà pour des cérémonies de mariage civil, des hommages au salon funéraire, des fêtes d’accueil pour bébé en lieu d’un baptême. Bref, ils s’inventent déjà des nouveaux rites, sans référence à l’Église.
L’Église est trop souvent réduite à une institution cléricale, où prêtres et évêques jouent le premier rôle et décident de tout. L’invitation à décentraliser et à discerner appelle un renversement. Le peuple doit être remis au cœur de ce double mouvement. Plongés dans des réalités sociales complexes, les croyants sont capables de réfléchir et n’ont plus à n’être que les objets d’une pastorale et de directives à la dure. Sans voix au chapitre, des croyants désabusés ne risquent-ils pas de discerner le seul avenir qui leur appartienne : rester…ou quitter sur la pointe des pieds?