Ce qui devait être un hommage intellectuel au pape François est devenu la toile de fond de la dernière tempête sur la transparence et sur ce pontificat.
À la veille du cinquième anniversaire de l’élection du pape François, la maison d’édition du Vatican, la Libreria Editrice Vaticana (LEV), a dévoilé une série de onze livres consacrés aux racines intellectuelles et à la pensée du pape François.
De nombreux théologiens ont contribué aux volumes, qui sont publiés en plusieurs langues.
Lors d’une conférence de presse à laquelle participait Catholic News Service, Mgr Dario Vigano, préfet du Secrétariat du Vatican pour la communication qui supervise la LEV, a expliqué qu’il avait demandé au pape retraité Benoît XVI «d’écrire une page ou une page et demie de théologie dense dans son style clair et ponctuel que nous aurions aimé lire ce soir».
Le pape Benoît a répondu avec «une belle lettre personnelle», a dit Mgr Vigano. Le pape à la retraite a expliqué qu’il ne pouvait pas écrire une réflexion théologique sur les 11 volumes parce qu’il ne les avait pas lus et qu’il serait physiquement incapable de le faire à temps pour la présentation du 12 mars. Cependant, il a exprimé l’espoir que la série contredirait «le préjugé insensé de ceux qui voient le pape François comme quelqu’un qui manque d’une formation théologique et philosophique particulière…»
Le pape Benoît XVI a déclaré que les livres «démontrent raisonnablement que le pape François est un homme avec une profonde formation philosophique et théologique et qu’il est utile de voir la continuité intérieure entre les deux pontificats, même avec toutes les différences de style et de tempérament».
Jusqu’ici tout va bien.
Cependant, lorsque le Secrétariat pour la communication a publié une photo de la première page de la lettre, deux lignes à la fin de la première page ont été brouillées, donnant l’impression que quelqu’un avait intentionnellement obscurci le fait que le pape Benoît n’avait pas lu la série et ne laissant que les mots défendant son successeur.
Deux jours plus tard, des observateurs du Vatican ont commencé à écrire sur la photo floue.
À ce stade, le floutage, pas la série de livres, est devenu la nouvelle. Comme l’a rapporté Nicole Winfield, reporter principale d’Associated Press au Vatican, «le Vatican a admis mercredi avoir modifié une photo envoyée aux médias d’une lettre du pape retraité Benoît XVI sur le pape François d’une manière qui a violé les normes de l’industrie photojournaliste».
Des sources au Vatican ont expliqué que la lettre elle-même n’a jamais été destinée à être rendue publique, ce qui explique pourquoi la deuxième page a été obscurcie dans la photo soigneusement mise en scène. Une source l’a qualifiée d’«illustration photographique».
Les photojournalistes nord-américains adhèrent à des normes strictes concernant toute manipulation d’une image photographiée. Les normes de l’Associated Press […] stipulent qu’«aucun élément ne doit être ajouté ou retranché numériquement d’une photo».
Quelle que soit l’intention du Secrétariat du Vatican pour la communication, le floutage d’une partie de la lettre suggérait quelque chose qu’il ne voulait pas que tout le monde voie. Dans ce contexte, le pape Benoît XVI pourrait être vu comme apportant des réserves à son soutien générique pour la publication de la série.
Pour ceux qui ont assisté à la conférence de presse, le contexte des commentaires du pape Benoît XVI était clair, et le fait que Mgr Vigano a lu à haute voix les lignes qui ont ensuite été foutées dans l’image fait en sorte que l’incident ressemble davantage à un manque de jugement qu’à une tromperie.
La controverse survient à la suite de la publication du message de la Journée mondiale des communications du pape François, qui critiquait le phénomène des «fausses nouvelles», définissant l’expression comme «fausse information basée sur des données inexistantes ou déformées destinées à tromper et à manipuler le lecteur».
L’ensemble de l’incident nous rappelle qu’à l’ère des médias, avec un pape omniprésent dans les médias, l’appareil de communication du Vatican doit être engagé à la fois dans la transparence et dans les meilleures pratiques journalistiques. Ne pas le faire ne pourra que nuire à l’Église.
Greg Erlandson est directeur et rédacteur en chef de l’agence Catholic News Service