Le Canada est un pays grand ouvert à l’immigration. On ne peut nier que c’est une richesse pour le pays à différents points de vue, en autant qu’à la base il y ait le respect de l’identité du peuple fondateur et des valeurs du peuple québécois et canadien.
L’accueil des immigrants en grand nombre nous incite à nous questionner sur notre identité culturelle et notre vécu communautaire.
Le danger avec le multiculturalisme, c’est d’essayer de s’auto-javeliser pour laisser la place à l’autre qui, par ironie du sort, tient souvent mordicus à son identité et ce malgré le fait d’avoir changé de pays et qui a plutôt tendance à vouloir intégrer sa propre identité et à l’imposer dans le pays d’accueil.
Il ne s’agit pas de noyer les identités dans la grande soupe du multiculturalisme, ni de créer un modèle unique et un monde monolithique homogène, rigide et fermé à la discussion.
Il nous paraît important que le pays qui reçoit doit rester solide comme un arbre. Il peut changer ses feuilles, mais pas ses racines. «On peut changer nos opinions, mais pas nos principes», estimait Victor Hugo. Il ne faudrait pas craindre de dire non. Le respect commence par soi-même et son pays. On n’exclut pas les droits existants de son propre pays sous prétexte que cela dérange certaines personnes ou parce que d’autres n’y croient plus.
«L’identité culturelle est ce par quoi se reconnaît une communauté humaine (sociale, politique, régionale, nationale, ethnique, religieuse…) en termes de valeurs, de pensées et d’engagement, de langue et de lieu de vie, de pratiques, de traditions et de croyances, de vécu en commun et de mémoire historique», écrit Mariette Théberge. N’est-ce pas cela qui enrichit un peuple et qui le distingue par rapport à un autre peuple?
Le désir de conserver l’identité est un réflexe naturel, vital et signe de fierté. Il est surprenant de constater la tendance actuelle au Québec à vouloir rejeter du revers de la main les racines et l’identité chrétienne de notre pays, alors que dans l’histoire universelle, aucun peuple n’a voulu remettre en cause son identité, mais a plutôt lutté pour la conserver, question de survie.
Rapport au religieux
Je me questionne à savoir si on peut réellement comprendre une société sans comprendre son rapport au culte et au religieux. Qu’on soit religieux ou qu’on ne le soit pas, on ne peut déconstruire l’identité chrétienne de notre pays, car cela fait partie intégrante de son histoire.
Selon Janet Epp Buckingham, «chaque société a une culture dominante dont les racines sont généralement religieuses. La religion est un élément fondamental de la dignité humaine. Des études sociologiques ont démontré l’apport positif de l’appartenance religieuse pour le rendement scolaire, la vie de famille, le bien-être et la contribution à la vie communautaire. Les religions sont également le cadre des rites de passage marquant la naissance, le mariage et la mort».
Le peuple québécois a une histoire, un héritage spirituel catholique, une culture, une langue française, un patrimoine qui a façonné le pays d’une façon éclatante. Il a aussi des mœurs, des coutumes et des traditions qui émanent d’une certaine croyance religieuse que nous avons reçue en héritage et de laquelle on ne peut se dissocier. Il ne faudrait surtout pas exclure les droits et les acquis existants de son propre pays et du peuple fondateur sous prétexte de multiculturalisme, de laïcité ou parce que certaines personnes n’y croient plus.
On ne peut priver un peuple de ses repères, de ses valeurs, de son enracinement, de son vécu collectif et de ses pratiques communes pour quelques motifs que ce soit. Que nous soyons croyants ou pas, l’homme s’interrogera toujours à savoir d’où il vient et où il va ? Ce sont nos croyances qui alimentent notre vie personnelle et sociale et nos agissements. C’est l’environnement culturel formé de l’ensemble des éléments spirituels, matériels, intellectuels et émotionnels qui conditionnent notre existence et qui rythment nos calendriers.
Principes et valeurs
La culture canadienne-française et anglaise s’est développée grâce à des millions d’hommes et de femmes qui se sont battus au nom de principes et de valeurs. C’est pour cela que plusieurs immigrants ont choisi le Canada pour y vivre librement et en paix.
Se défaire de cet ancrage historique et de cette empreinte qui nous habitent et qui est à l’origine de notre identité culturelle et historique, que ce soit par peur de passer à tort pour intolérants, racistes, ou pour avoir une soi-disante paix est signe de faiblesse.
Le maintien des symboles religieux est signe de respect de son pays. Ces symboles rappelleront justement aux immigrants qu’ils ont bel et bien choisi d’habiter ce pays de liberté avec ses valeurs et qu’il a eu la générosité de les accueillir et de les aider à vivre convenablement.
Accéder aux demandes d’enlever tout nom ou signe religieux, ou monument existant à caractère religieux, culturel ou patrimonial au nom de la neutralité, de la laïcité et du multiculturalisme signifie que le Canada et le Québec sont prêts à se défaire petit à petit de leurs valeurs, mœurs, coutumes, et traditions et à faire table rase de leur histoire depuis des siècles pour le bon plaisir de quelques individus, groupes ou ethnies.
On peut toutefois se questionner à savoir si ce n’est pas intentionnel de vouloir redonner une autre image au pays et d’en reconstruire un autre sans identité, ni culture, mais ayant pour fondation toutes les pressions politiques, tous les rejets, les peurs, les plaintes, l’intimidation et le relativisme.
La neutralité n’existe pas en soi, mais uniquement dans la pensée et dans les discours. C’est un parti pris qui n’est pas anodin. La preuve: au nom de la laïcité, l’État cherche à prendre ses distances de la religion et à faire de cette dernière une question personnelle, alors qu’il se veut être neutre.
Laïcité et non laïcisme
Pour ce qui est de la « laïcité », qui est celle de la séparation de l’État des organisations religieuses, il ne faudrait pas la confondre avec le « laïcisme » qui prône l’exclusion de la religion de toutes les institutions publiques.
La vraie laïcité et la neutralité, ce n’est pas le rejet de tout ce qui est religieux, c’est au contraire le respect de la diversité des croyances des hommes et la nécessité de les unir pour assurer leur coexistence. C’est de permettre à chacun et à chacune de vivre ce qu’il croit, en conformité avec sa conscience.
C’est aussi de permettre aux options spirituelles de s’affirmer sans s’imposer, de voir à l’égalité des droits de tous en établissant une loi commune visant l’intérêt général et non pas d’adopter un laïcisme idéologique qui veut couper toutes les racines historiques.
Notre identité est fortement questionnée aujourd’hui, c’est à nous comme peuple de décider si on veut avoir une société avec des repères communs (valeurs, traditions, mœurs, culture et langue) ou bien on préfère avoir une société basée sur l’individualisme, l’arbitraire, le subjectif, le relativisme, la peur de dire non et fondée uniquement sur la primauté des désirs personnels plutôt que sur le collectif en laissant ainsi notre pays se balloter à tout vent.
Alexandre Khouzam
L’auteur de cette lettre ouverte est un avocat.