Au Québec, nous avons un problème avec l’islam. Il faut le reconnaître. Il s’agit d’une religion que nous connaissons surtout à travers les médias, où l’on nous présente le plus souvent les aspects qui attisent nos peurs et nos jugements.
Islam. Ce mot signifie «soumission» (à Dieu), mais aussi «paix», «pureté». Pas surprenant alors que les musulmans donnent parfois l’impression d’être «intégristes», car un «bon musulman» se conduit de manière à obéir à la volonté divine, telle qu’exprimée dans le Coran et en prenant pour modèle le prophète Mahomet.
De mes amies musulmanes, j’ai appris que l’islam qu’elles confessent est d’abord une chose très personnelle qui se traduit souvent par «mon islam à moi, il est… un islam de paix ou un chemin intérieur». Elles se sentent invitées à toujours faire davantage pour plaire à Dieu, mais jamais plus que ce dont elles sont capables ou que ce qui est possible dans leur situation. C’est leur «djihad» (effort, devoir) personnel qui les incite à travailler à leur élévation spirituelle.
L’islam politique
Ce ne sont évidemment pas ces musulmans qui devraient nous faire peur, pourtant nous les associons de plus en plus spontanément aux autres, ceux qu’on appelle «djihadistes». Cet amalgame nous fait paraître bien ignares de ce qu’est l’islam. Jetez un œil à cette arborescence, vous verrez comme c’est compliqué !
L’islam politique, c’est-à-dire en tant que projet de société basé exclusivement sur les éléments propres à cette religion, comme la charia (loi islamique), est une doctrine qui a ses promoteurs au sein du monde musulman, en particulier chez les salafistes. S’il existe un salafisme «quiétiste» (tranquille), très majoritaire, qui ressemble à l’islam spirituel, il y a aussi un véritable salafisme politique dont une petite minorité a choisi le mode révolutionnaire, n’hésitant pas à transformer le djihad en «guerre sainte» incluant le recours au terrorisme.
Les diverses factions révolutionnaires combattent principalement en territoire musulman. Daech va plus loin avec son projet de restaurer le califat ou, si l’on veut, un État islamique. Pour ces islamistes, ne sont de bons musulmans que ceux qui se soumettent à la loi islamique. Les djihadistes se sentent donc encouragés à écraser toute résistance, y compris par les moyens les plus violents, et à exporter leur révolution jusqu’en Occident. C’est «leur islam à eux» !
Qui combattre?
«Notre guerre», déclarée par le président français, consisterait donc à combattre les djihadistes révolutionnaires partout en Occident comme au Moyen-Orient. L’ennemi, quoi qu’on en dise, est un être religieux fondamentaliste. Son éthique est celle de la conviction: cette forme de certitude le conduira à aller jusqu’au bout de ce en quoi il croit, y compris tuer et s’exploser s’il le faut, car sa propre vie est au service de la cause.
L’Occident court un danger plus grave que la menace djihadiste. C’est celui d’entrer nous-mêmes dans cette dynamique de conviction, par exemple en voulant nous battre pour nos valeurs attaquées et qui, soudainement, s’orneraient d’une dimension sacrée, comme en religion. En sacralisant nos valeurs et notre mode de vie, nous pourrions en venir à justifier le bombardement de régions entières, sous prétexte qu’il pourrait s’y trouver quelques combattants de l’ennemi, au risque d’étendre les dommages collatéraux. De là à devenir comme l’ennemi que nous voulons détruire, il n’y a qu’un pas.
Notre devoir (ou djihad!) ne devrait-il pas nous «prescrire», en conscience, d’éviter d’incarner le mal en nos propres rangs? Car c’est le mal que nous devons éradiquer, pas forcément les humains qui s’y adonnent, et encore moins ceux qui le subissent.
La violence n’a jamais supprimé la violence, sinon pour un temps. Seul l’amour le peut. Commençons donc par aimer concrètement et sans distinction toutes les victimes de cette guerre injuste. Cela pourrait faire exemple, même dans le camp ennemi…