Nous savions bien que le passage à 2021 n’allait pas mettre fin à la pandémie et que le confinement se prolongerait ou serait décrété de nouveau, ici comme ailleurs. Les résolutions de régimes, zénitude et mode de vie écologique ont été remplacées par la clémence envers soi-même et les horizons d’apéros virtuels et de livraisons Amazon tous azimuts. Résolution semble rimer avec résignation. Elle pourrait pourtant rimer avec révolution.
Le problème des résolutions est qu’elles sont souvent tournées vers soi. À preuve, mon fil d’actualités sur Facebook le 4 janvier: un mélange de publicités incongrues allant du mouvement raëlien à la chirurgie esthétique en passant par du coaching alimentaire et une proposition pour découvrir ma lignée shamanique. Entre comprendre d’où l’on vient et quoi manger aux repas, on se demande où l’on va. Et les propositions en tous genres ne manquent pas pour combler des culs-de-sac de sens.
Sacrifice et indignation!
Une profonde fatigue morale pèse sur nous depuis bientôt un an. Durant le premier confinement, nous avons mesuré que les sacrifices réalisés étaient variables au gré des privilèges. Pour beaucoup, le sacrifice a eu un goût de pain et de pause. Pour d’autres, le sacrifice a eu un goût de sueur et de larmes. L’été nous a donné un prudent sursis, puis l’automne est arrivé.
Nous avançons à contrecœur dans la vase d’une nouvelle normalité, où le télétravail et le semi-confinement se mélangent à l’impossible acrobatie de l’école à distance et à l’angoisse latente devant cette pandémie qui ne relâche pas. Le tout sur fond d’impatience légitime des milieux de la culture, de la restauration et du tourisme, et même des communautés de foi, qui ne savent plus sur quel pied danser en cherchant à se réinventer tout en attendant l’immunité collective.
Le sacrifice volontaire des premiers temps cède le pas à l’indignation et à la démobilisation. Pas étonnante, l’indignation contre les voyageurs partis chercher du réconfort au soleil, ou contre les personnes qui ont fait fi des interdictions de rassemblements familiaux durant les fêtes de Noël au Québec. Pourtant, l’indignation devrait-elle viser les individus ou le politique?
Faut-il blâmer les gouvernements de permettre les voyages ou de ne pas avoir réagi assez vite pour régler des problèmes de ventilation et de manque d’équipement médical, sans parler d’années de coupures dans le milieu de la santé et des soins à nos aînés? Faut-il donner des contraventions aux personnes sans-abri pendant le couvre-feu, alors que les organismes d’accueil manquent de place et gèrent des éclosions? La réponse est dans la voie du milieu, à la fois individuelle et politique pour être collective.
Question de salut
Nous payons tous le prix d’une situation complexe. À l’heure des résolutions – si tant est qu’on veuille encore en formuler – il serait bon de se rappeler que nous sommes encore ensemble dans cette lutte contre la COVID-19. Il est ultimement question de vie et de mort, ou de salut, en langage religieux. On peut chercher un bien-être personnel en se fixant des objectifs de vie et d’amélioration, et tant mieux. Mais si ce regard sur soi n’est qu’une échappatoire qui détourne du bien commun, le salut n’est pas gagné.
Les religions prêchent généralement un salut dans l’au-delà. En y regardant de plus près, les vertus de bienveillance, d’altruisme, d’amour du prochain et de sacrifice visent aussi à donner un avant-goût du salut ici-bas: paix, justice, longue vie et abondance. N’est-ce pas l’essentiel? Essayons de nous y raccrocher avec espérance, surtout dans ces efforts collectif et personnel qui devraient éviter d’autres vies sacrifiées.
En mars 2020, nous avons rêvé de ne pas revenir «à l’anormal». La tentation est grande, dans notre impatience, de revenir à une vie effrénée de surconsommation en tous genres. En ce début d’année, croyons-y: toutes nos petites résolutions, nos sacrifices et nos indignations pourraient faire une révolution, tranquille, en douceur, durable. Chi va piano, va sano e va lontano.
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