Le gouvernement décrète une pause à tous les secteurs économiques de la province afin de lutter contre la pandémie de la COVID-19 et ce, au moins jusqu’au 13 avril. Seuls les services essentiels sont maintenus. Et la spiritualité n’en fait pratiquement pas partie.
Dans la pyramide des besoins, ceux du loger, du nourrir et du vêtir sont à la base de tout. Les industries qui contribuent à répondre à ces besoins en priorité demeurent sur la liste des services essentiels. Même les notaires! La santé aussi est reconnue parmi ces besoins fondamentaux. Tout le dispositif est en place pour un maintien de ces services, y compris pour l’aide psychologique. Il y a également la sécurité publique, les centres de détention, la protection de la jeunesse. Tout le monde souscrit à cette priorisation des besoins.
Une priorisation qui, dans cette liste, laisse toutefois bien peu de place aux préoccupations de spiritualité et de sens.
La plus grande partie des services spirituels et religieux passe par les organisations charitables et religieuses. Celles-ci n’étant pas sur la liste des services essentiels, il deviendra fort difficile d’avoir accès à de tels services.
L’exception se trouve dans les milieux hospitaliers et carcéraux, les intervenants spirituels étant reconnus comme des professionnels de soins dans ces institutions publiques. C’est heureux, car la plupart des personnes qui ont bénéficié de soins spirituels dans le passé sauraient vous dire à quel point leur présence a pu être d’un vrai secours lorsque celle-ci fut demandée.
Pensons simplement aux funérailles. Si tout est reporté de quelques semaines, le deuil, quant à lui, n’attend pas! C’est souvent avec les mots de la foi des gens concernés, par le biais d’un accompagnement de qualité, que le sens vient peu à peu remplir le vide et permettre un retour à la sérénité malgré la séparation. Mais pensons aussi aux naissances, aux mariages ou encore aux situations tendues qui peuvent parfois se résoudre par un «complément» spirituel! N’est-ce pas ce qui risque d’être de plus en plus en demande par les temps qui courent?
Une société en manque de sens?
Il va de soi que le monde religieux n’est plus ce qu’il était au Québec. La rareté des pratiquants, du moins pour la religion catholique, encore fortement majoritaire, réduit la considération sociale accordée à ces services, même si ceux-ci n’ont jamais fait défaut pour les personnes et les familles qui en font encore usage. La figure du prêtre, symbole de cette présence spirituelle si essentielle dans un passé pas si lointain, ne fait même plus partie du décor.
Est-ce là le signe d’une société purement technocrate? N’y a-t-il que ce qui concerne le corps qui constitue une priorité? Est-ce le reflet de l’époque où les croyances sont renvoyées à la sphère privée et dans laquelle il revient à l’individu d’y pourvoir par lui-même?
Chaque fois qu’une catastrophe frappe une société, il s’y déploie une forte résurgence de la spiritualité. Les premiers signes se manifestent dans la religiosité qui s’exprime spontanément vers les sites traditionnels de pèlerinage. Dans la situation actuelle, alors que les sanctuaires et les lieux de rassemblements sont fermés, cette religiosité est renvoyée à chaque maisonnée. Mais c’est pourtant dans la communauté rassemblée que le sens, partagé comme on distribue le pain, devient symbole, qu’il tisse les solidarités et qu’il ouvre de nouvelles brèches pour voir la lumière au bout du tunnel.
Si, en contexte de laïcité, il ne revient plus à l’État de favoriser cette «économie du sens», les organisations religieuses ou spirituelles doivent se dépasser en créativité pour ne pas se mettre elles-mêmes en pause en offrant à leurs membres des propositions virtuelles. Elles trouvent ainsi d’autres moyens pour se mettre en lien avec les gens qui cherchent.
Une chose est sûre: même si les besoins spirituels ne sont plus reconnus comme des services essentiels à maintenir lors d’une crise, cela ne les empêchera ni de se manifester, ni de devenir de plus en plus pressants.
Pourtant, le mot circule déjà: cette perturbation mondiale sera sans doute une occasion pour tous de revenir à «l’essentiel»! Même si cet essentiel n’est pas considéré comme tel par l’État québécois, il n’en est pas moins tout aussi vital que bien des produits et services de base. Parions que la laïcité stricte qui a cours au Québec trouvera à reconsidérer l’apport incontournable des valeurs spirituelles avec une plus grande ouverture lorsque la crise se résorbera… aussi grâce à elles.
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