Un 70e miracle attribué à la Vierge de Lourdes a été «approuvé» par l’évêque de Beauvais où vit la «miraculée», une religieuse âgée qui offre un témoignage touchant. Pour beaucoup de catholiques ancrés dans la pensée rationnelle contemporaine, un miracle sanctionné par l’Église revêt un caractère troublant, car il se présente comme un fait «inexplicable» renvoyant immédiatement à une cause surnaturelle. Or, l’incursion du surnaturel dans la vie matérielle, la seule que nous connaissons, ne fait pas bon ménage avec l’esprit du temps.
Il faut savoir que le processus de reconnaissance d’un «signe divin» est complexe et bien documenté, que le corps médical et scientifique impliqué fait preuve d’un esprit dubitatif intransigeant avant de se laisser convaincre du caractère «inexpliqué dans l’état actuel de nos connaissances scientifiques». Bien entendu, de telles précisions n’auront que rarement un réel impact sur la plupart des esprits rationnels. Mais alors, que peut donc représenter une telle déclaration de l’Église dans un contexte où toutes sortes de croyances cohabitent?
En effet, qui ne connaît pas un proche, un voisin ou une collègue, quand ce n’est pas soi-même, qui a fréquenté l’un une voyante, l’autre un médium, un autre encore un guérisseur exotique? Si l’Occident est devenu un univers où domine la rationalité, cela n’empêche pas les individus de continuer à s’en remettre à toutes sortes de pratiques en espérant qu’elles apportent un soulagement pour eux-mêmes ou pour un être aimé.
Ce foisonnement de miracles à la petite semaine est très éloigné de la conception que l’Église catholique s’en fait. Il ne s’agit jamais de voir candidement des miracles partout, mais bien de discerner parmi l’ensemble des guérisons annoncées celles qui «font signe» d’une intervention divine et qui ainsi peuvent soutenir la foi des fidèles. Et cela n’est pas si simple!
Autant il existe des gens aux prises avec des maladies, passagères ou chroniques, des handicaps physiques ou mentaux, des situations sans issue, autant on peut trouver parmi eux et autour d’eux des croyants qui s’adressent au ciel, à l’univers, à Dieu en personne ou par l’entremise d’un saint ou d’une sainte, afin de demander la cessation de la maladie, du handicap ou de la situation indésirable. Il s’agit souvent, après avoir tout essayé, de l’ultime espoir qui reste…
Et de manière jugée parfois arbitraire, certains s’en trouveront exaucés, à preuve ces ex-votos innombrables qui pullulent sur les murs des sanctuaires et les publications de «faveurs obtenues».
À quoi sert un miracle? C’est une question embarrassante. Dans le monde actuel il serait bien prétentieux de dire que c’est pour «prouver» l’existence d’un Dieu Créateur qui transgresserait lui-même ses propres lois de la matière.
À quoi sert un miracle? C’est une question embarrassante. Dans le monde actuel il serait bien prétentieux de dire que c’est pour «prouver» l’existence d’un Dieu Créateur qui transgresserait lui-même ses propres lois de la matière. Ça ne passe tout simplement plus. D’où une certaine gêne pour les croyants lorsque surviennent les questions des incroyants sur ce sujet miné. En cette matière, les réponses ne sont jamais satisfaisantes, entraînant d’autres questions incessantes…
Cela dit, l’Église croit aux miracles et en tout premier lieu à celui de la résurrection de Jésus. Mais en ce qui concerne les guérisons inexpliquées, elle n’en fait pas une doctrine indispensable ni même obligatoire à la foi chrétienne. En même temps, elle ne cesse d’encourager la piété populaire qui, selon François, est un témoignage qui parle aussi fort que bien des discours sur la confiance en Dieu, à preuve ces longues files d’attente de dévots désirant approcher la relique de François Xavier «en tournée» au Canada.
Si l’on voulait tout de même exprimer quelque chose qui peut réconcilier un esprit rationnel avec l’inexplicable, on pourrait simplement affirmer que la vie elle-même est un véritable miracle. Qu’au terme de plus de 4,54 milliards d’années sur une minuscule planète perdue dans un univers aux dimensions incommensurables, la première particule d’eau qui a surgi d’on ne sait où a fixé ce premier moment prodigieux qui a culminé vers notre existence, nous qui avons conscience d’être ici et maintenant et qui avons ce privilège de pouvoir nous interroger sur le caractère inexplicable de «simples» guérisons…
Chaque fois qu’une personne en chair et en os fait l’expérience du mystère, que quelque chose en elle s’en trouve transformé, guéri ou restauré, faisant que celle-ci se tourne vers l’au-delà pour exprimer sa gratitude et vers les autres pour s’en réjouir avec eux, c’est le même processus du miracle qui se reproduit. Tout le reste est rhétorique.
Mis à jour à 10 h 28 le 19 février 2018. 13,5 millions d’années (il aurait fallu écrire milliard) remplacé par l’âge estimé de la Terre, soit 4,54 millards d’années, pour plus de cohérence avec le propos.