Norbert Piché, directeur national du Service jésuite des réfugiés, signe ici une relecture de la Passion. «À chaque jour, il y a des gens qui subissent la crucifixion, écrit-il. L’histoire n’a pas changé.»
Monsieur Demandeur D’Asile devant le conseil des ministres
Lorsqu’il fit jour, le conseil des ministres provinciaux se réunit et on emmena M. Demandeur D’Asile devant eux. Les ministres lui dirent: «Si tu es un réfugié authentique, tu devrais passer par les voies légales établies».
M. D’Asile leur répondit: «En passant par les voies légales établies, je risque d’attendre très longtemps dans la peur et sans aucune garantie que ma demande soit entendue».
Les ministres lui dirent alors: «En arrivant de façon illégale, vous nous coûtez très cher: nos contribuables n’aiment pas payer pour votre hébergement, entre autres».
M. D’Asile leur répondit: «Mais je ne suis pas un illégal; personne n’est illégal.
Alors le président de l’assemblée dit: «Nous n’avons pas besoin d’autres témoignages. Il s’est déclaré légal».
Monsieur Demandeur D’Asile devant le premier ministre du pays
Le conseil des ministres provinciaux se leva à l’unisson et l’emmena au premier ministre du pays. Le conseil des ministres provinciaux dit au premier ministre du pays : «Ce M. D’Asile s’est déclaré légal ici dans notre pays. De plus, il dit qu’il veut contourner les voies légales pour arriver ici et que c’est son droit de le faire».
Le premier ministre l’interrogea: «Êtes-vous vraiment un réfugié?»
M. D’Asile lui répondit: «Vous dites vous-même que je le suis.»
Le premier ministre continua: «Mais, il y a un processus à suivre avant de vous déclarer réfugié.»
M. D’Asile lui répondit: «Il n’y a pas de souci. Je suis prêt à subir ce processus.»
Le premier ministre s’adressa au conseil des ministres provinciaux et à la foule: «Je ne trouve chez cet homme aucun motif de refoulement nécessaire à ce point.»
Le conseil des ministres exige le renvoi de Monsieur D’Asile
Mais le conseil des ministres et la foule insistaient avec force : «Il s’est déclaré réfugié; il s’est déclaré légal. On ne peut pas lui faire confiance. Il doit être renvoyé.»
À ces mots, le premier ministre consulta son entourage immédiat. Il revint et assembla le conseil des ministres provinciaux : «Vous m’avez emmené ce M. D’Asile en l’accusant d’être un illégal. Mais, il n’a rien fait d’illégal; irrégulier oui, mais rien d’illégal. Toute personne a le droit de traverser une frontière internationale si elle demande l’asile. Il va subir le processus qui déterminera s’il est un réfugié authentique ou non.»
Mais le conseil des ministres provinciaux s’injuria et souleva la foule en criant: «Il ne respecte pas nos lois. Il utilise nos services. Il ne contribue rien. Il prend nos emplois.»
Le premier ministre répondit: «Mais qu’a-t-il donc fait de mal? Je vais le relâcher. Ce sera donc au tribunal des demandeurs d’asile de décider de son sort.»
Mais eux crièrent et insistèrent de plus bel que M. D’Asile devait être refoulé.
L’arrestation de Monsieur D’Asile
Alors le premier ministre du pays, ne voulant pas se mettre le conseil des ministres provinciaux à dos et voulant satisfaire la foule, décida de refouler M. D’Asile.
On a menotté M. D’Asile et on l’a reconduit à la frontière. Quelques-uns de ses amis l’ont accompagné. Un des policiers avait un visage perturbé. On l’a livré aux autorités du pays voisin. Les autorités de ce dernier l’ont pris.
Dans les jours qui ont suivi, des proches de M. D’Asile ont essayé de le contacter sans succès. Ils ne savent pas s’il est en détention. Ils ne savent pas si les autorités du pays voisin l’ont déporté à son pays d’origine.
Et nous, comment réagissons-nous?
À chaque jour, il y a des gens qui subissent la crucifixion. L’histoire n’a pas changé. Les marginalisés, les pauvres, ceux et celles qui n’ont pas de pouvoir, ceux et celles qui dérangent, toutes ces personnes font peur aux riches de nos sociétés. Pourquoi? Parce que ces riches craignent de perdre leurs richesses et de perdre tout ce qui vient avec ces richesses.
Ne nous leurrons pas. Jésus est mort parce qu’il dérangeait. Il dérangeait principalement les personnes au pouvoir, les riches. Les marginalisés de ce monde trouvaient refuge chez lui.
Les demandeurs d’asile font partie des marginalisés qui dérangent. Ils ont besoin de notre accueil. Sinon, ils font face à la persécution, la violence et la pauvreté. Depuis le 25 mars 2023, nos leaders politique ont décidé de s’en laver les mains et d’ainsi fermer la porte à la vaste majorité des demandeurs d’asile qui y frappent.
Nous pouvons être solidaires des demandeurs d’asile et les soutenir. La résurrection, ne se trouverait-elle pas là?
Norbert Piché, directeur national du Service jésuite des réfugiés