Chacune des 111 victimes d’agressions sexuelles commises par des pères rédemptoristes de Sainte-Anne-de-Beaupré ont reçu la semaine dernière, sous pli recommandé, des chèques de 100 000 $, de 150 000 $ ou encore de 200 000 $.
En tout, près de 14 millions $ ont été versés aux victimes, des anciens élèves au Séminaire Saint-Alphonse entre 1960 et 1987, indique le rapport de l’adjudicateur, Me André Forget. Ex-juge de la Cour d’appel, cet arbitre avait été nommé l’automne dernier, au lendemain du règlement qui prévoyait le versement d’une somme forfaitaire de 20 millions $ par la congrégation religieuse. Il était responsable de «rencontrer chacun des réclamants, de déterminer leur droit à une indemnité et, le cas échéant, de fixer le montant de cette indemnité».
Pas moins de 114 réclamations ont été reçues avant la date butoir du 17 avril 2015. Trois réclamations ont été rejetées, indique l’arbitre, car «ces personnes n’avaient pas fréquenté le Séminaire Saint-Alphonse entre 1960 et 1987».
Dans le rapport de l’adjudicateur, on ne trouve aucun nom.
«Presque toutes les victimes m’ont demandé avec insistance et persistance de protéger leur identité. Plusieurs des victimes m’ont d’ailleurs déclaré que s’il y avait une possibilité que leur nom soit dévoilé, elles auraient renoncé à présenter une réclamation. Je me suis engagé à leur égard à préserver la plus grande confidentialité», note Me Forget.
Le procès en recours collectif contre les rédemptoristes s’est amorcé en septembre 2013. En juillet 2014, le juge Claude Bouchard, a donné raison aux victimes, blâmé la communauté religieuse et exigé qu’elle verse des dédommagements importants.
Des constats amers
Un avocat des victimes, Me Pierre Boivin, dit qu’avec le rapport de l’adjudicateur, le dossier est maintenant clos. Mais on continuera de mentionner ce jugement lors de prochains procès. «Ce dossier va faire jurisprudence. C’est la première décision au Québec qui accorde un recours collectif dans le cadre d’agressions sexuelles commises par un ordre religieux».
«Ceux qui ont subi des agressions sexuelles au Québec, alors qu’ils étaient pensionnaires, ont des recours. Et ils n’ont pas à avoir honte», ajoute Me Boivin. «J’ai rencontré tellement de victimes, dans ce dossier et dans d’autres, des hommes qui se sentent encore aujourd’hui coupables, qui se sentent responsables de ce qui leur est arrivé.»
Le cabinet Kugler Kandestin, dont fait partie Me Boivin, mène deux autres dossiers en recours collectif contre des communautés religieuses. Les avocats ont été autorisés à poursuivre les Clercs de Saint-Viateur, au nom de plusieurs enfants handicapés qui ont été abusés sexuellement. Ils ont aussi déposé, plus tôt cette année, une requête pour demander l’autorisation d’intenter un recours collectif contre la Congrégation Notre-Dame de la Miséricorde, responsable du Collège Saint-Hilaire.
Quels constats fait-il devant toutes ces affaires qui impliquent des communautés religieuses?
«Des ordres religieux n’ont pas agi afin de protéger les victimes. Ils ont plutôt cherché à protéger leur réputation et leurs actifs. C’est triste, c’est répréhensible. Des religieux ont fait passer leur sécurité et leur réputation avant celle de jeunes enfants.»
Il ne doute pas que «ces ordre religieux ont fait beaucoup de bien au niveau de la collectivité. Mais ce qu’on voit, c’est une tache noire sur leur réputation. Au lieu de prendre leurs responsabilités, ils ont pris de mauvaises décisions. Ils ont défendu l’indéfendable», regrette Me Pierre Boivin.