Une célébration de la Parole a été organisée dans la chapelle conventuelle des sœurs de Maryknoll, dans le nord de l’État de New York. Célébrant la mémoire de quatre femmes d’Église ayant été assassinées en 1980 au Salvador, cette cérémonie a mis en valeur le témoignage prophétique et les paroles émouvantes de ces martyres.
Le 2 décembre, une messe vespérale très particulière a été célébrée dans la maison-mère des Sœurs de Maryknoll. Ce soir-là, les collègues et consœurs de ces femmes assassinées se sont réunies pour honorer leur mémoire.
Le 2 décembre 1980, un escadron de la mort de la Garde nationale salvadorienne enlevait, violait et assassinait quatre missionnaires américaines: les sœurs Ita Ford et Maura Clarke, de la congrégation de Maryknoll, l’ursuline Dorothy Kazel et la missionnaire laïque Jean Donovan. Elles s’ajoutent aux 75 000 victimes de la terrible guerre civile qui a mis le Salvador à feu et à sang, dans les années 1980.
L’une des pièces maîtresses de cette célébration fut la lecture publique d’une lettre de la regrettée missionnaire Maura Clarke: «Tous les jours, nous voyons des familles innocentes et des enfants sans défense se faire massacrer à coups de machette. Ces corps bénis, qui sont pourtant le temple du Seigneur, sont jetés aux ordures et offerts en pâture aux oiseaux carnassiers. […] Ma consœur Ita et moi-même tâchons de venir en aide aux réfugiés, ce qui apaise nos âmes et nous apporte un peu de consolation. Nous nous sentons privilégiées et habitées par la grâce en accomplissant ce travail. Tout en étant émerveillées par le courage et la résilience de ces gens-là».
On a également honoré la mémoire de sœur Dorothy Kazel, en faisant la lecture de ses textes. «Ce minuscule pays qu’est le Salvador tressaute de douleur. Or, nous continuons malgré tout à y prêcher la Parole de Dieu, même si cela signifie parfois «faire le don de sa propre vie». On prend alors conscience, et avec une puissance inouïe, que Jésus est bel et bien là, à nos côtés.»
La supérieure de la congrégation de Maryknoll, sœur Antoinette Gutzler, était également présente lors de cette célébration. À ses yeux, ces quatre femmes étaient toutes animées par une foi ardente et débordante qui coloriait leur personnalité, leurs relations avec autrui et leur travail de missionnaires.
S’adressant à l’assemblée, elle a cité les paroles de sœur Melinda Roper, laquelle dirigeait la congrégation de Maryknoll au moment où ces femmes ont été assassinées. «Leur compassion et leur solidarité avec les pauvres a été le fil conducteur de toute leur existence. C’est ce qui leur a permis d’affronter les défis et les périls de la vie — et de la mort. Elles ne fermaient certes pas les yeux sur le mal et les péchés qui corrompent notre monde. Pas plus d’ailleurs qu’elles ne s’illusionnaient quant aux causes de ces maux. Leur foi ardente leur conférait toutefois une bonne dose de sagesse. Elles ont donc consacré leur existence non pas à combattre le mal et le péché mais plutôt à célébrer la dignité et la sainteté de la vie humaine.»
Les membres de l’assemblée ont été invités à réfléchir aux paroles de sœur Ita Ford: «Je ne sais trop si je dis ceci par dépit ou en réaction à l’horreur, à la terreur, au mal, à la confusion ou à l’anarchie dont j’ai été témoin. Ce que je sais, par contre, c’est que nous sommes à la bonne place. Nous sommes ici pour nous appuyer sur les dons et charismes qui sont les nôtres afin de les faire rayonner, ici et maintenant, au Salvador. Nous sommes extrêmement privilégiées d’être appelées et de servir cette Église de martyrs qu’est celle du Salvador — une Église dont la foi est tenace et inébranlable.»
Aux yeux de sœur Peg Donovan, directrice de l’Institut missionnaire de Maryknoll, ces femmes ont répondu haut et fort à l’appel qui fut le leur, c’est-à-dire vivre en solidarité avec les pauvres et incarner les vertus de l’Évangile. C’est précisément pour cette raison qu’elles ont été assassinées. Au même titre, d’ailleurs, que le bienheureux archevêque salvadorien Oscar Romero, assassiné alors qu’il célébrait la messe. Sœur Donovan a alors lu à l’assemblée quelques paroles de Mgr Romero: «Celui qui s’engage auprès des pauvres doit être prêt à connaitre le même destin qu’eux. Nous savons tous en quoi consiste ce ‘destin du pauvre’: disparaître, être torturé, être emprisonné, puis tué».
Cette célébration de la Parole n’est qu’une des nombreuses messes appelées à commémorer la mémoire de ces quatre femmes, au cours des prochaines semaines.
Le 29 novembre dernier, lors d’une messe commémorative, sœur Antoinette Gutzler avait justement réfléchi au martyre de ses quatre consœurs. À ses yeux, celles-ci incarnent avec brio l’amour et le courage qui sont au cœur du message chrétien. Ces femmes ont fait face aux défis et aux risques auxquels s’exposent celles et ceux qui répondent l’appel de l’Évangile — et qui en assument toutes les conséquences. Tout comme Jésus, elles n’ont pas eu peur de mettre leurs propres vies en danger, par amour pour les pauvres.
«Chaque année, nous tâchons de nous souvenir de ces quatre saintes femmes. Chaque année, nous tâchons de célébrer l’amour et le courage dont elles ont fait preuve tout au long de leur existence. Chaque année, nous tentons d’honorer leur mémoire, en nous posant encore et encore les mêmes questions. Pourquoi la pauvreté, l’oppression et la violence subsistent-elles ? Pourquoi faire périr tant de personnes innocentes ?»
«Nous cherchons encore et toujours des réponses à ces lancinantes questions. Nos martyres nous donnent cependant la force de nous questionner et nous incitent à œuvrer à la conversion de notre nation, de notre Église, de notre communauté de foi et de notre congrégation : celles des sœurs de Maryknoll.»
Les sœurs de Maryknoll sont la toute première congrégation religieuse féminine américaine à se consacrer exclusivement aux missions étrangères. Fondée en 1912, cette congrégation est active dans 247 pays. Ses 430 religieuses œuvrent principalement auprès des pauvres et des exclus.
Beth Griffin, Catholic News Service
Trad. et adap. Présence/Frédéric Barriault