Quelques minutes après avoir observé l’arrivée des six canots et de leurs occupants sur l’Île de Kateri, Tom Dearhouse, un aîné de la communauté Mohawk de Kahnawake, a demandé à la trentaine de pagayeurs et à leurs amis venus les accueillir de former un grand cercle.
Les participants à la toute dernière étape du Pèlerinage canadien en canots ont alors entendu le solide gaillard prononcer quelques mots dans sa langue.
«Vous n’avez sans doute pas compris ce que je viens de dire», a lancé le travailleur social. «J’ai voulu remercier notre Créateur dès le début de cette rencontre», a-t-il dit au groupe.
«Vous venez d’accomplir un périple durant lesquels vous avez vu beaucoup d’eau, de plantes et de rivages. Mais voici ce que nous croyons fermement, nous, Mohawks. Notre première responsabilité, durant notre périple sur cette terre, c’est d’être reconnaissants.»
«Soyez reconnaissants et toutes choses reviendront chaque année. Les plantes, l’eau, les récoltes, même le tonnerre», a dit Tom Dearhouse, un membre de la Mission Saint-François Xavier de Kahnawake, un sanctuaire longtemps animé par les jésuites et qui abrite le tombeau de sainte Kateri Tekakwitha.
Avant de les diriger vers l’Église catholique de Kahnawake, l’aîné mohawk a expliqué que le lieu où ils ont accosté quelques instants plus tôt a été, en 1990, le théâtre d’un drame.
«Derrière ces arbres, à ma droite, on a vu des policiers et des militaires arriver en hélicoptère. Ils voulaient emprunter ce pont, à ma gauche, pour se rendre au centre de notre village», a-t-il raconté dans le plus grand silence.
«Nous sommes précisément à l’endroit sur l’île de Kateri où les militaires et les gens de la communauté se sont affrontés cet été là, il y a 27 ans. On peut dire que c’était une invasion de notre terre.» Avec son bras, il a ensuite séparé l’espace où se tenait le groupe. «Il y avait ici une lignée de militaires. Là, une lignée de guerriers (warriors). Moi, j »étais un peu plus loin, avec toute la communauté.»
«Et voilà qu’aujourd’hui, nous sommes à ce même endroit pour parler de réconciliation, de guérison et de pardon», a-t-il dit aux canotiers qui ont quitté Midland en Ontario le 21 juillet et qui ont franchi quelque 850 kilomètres avant d’atteindre Kahnawake, dernière étape de leur pèlerinage placé sous le signe de la réconciliation avec les Premières Nations.
«Cette histoire ne se termine pas ainsi car mon histoire fait dorénavant partie de la vôtre», a dit Tom Dearhouse. «Et votre voyage, de Midland à Kahnawake, fait partie du voyage de ma propre vie.»
«Ces vingt-six jours de canotage sont un petit chapitre dans votre vie et dans la mienne. À nous maintenant de partager nos histoires et d’écrire ensemble de nouveaux chapitres», a-t-il conclu avant d’entonner un chant en langue mohawk.
Ce Pèlerinage canadien en canots, auquel ont pris part des religieux jésuites, des laïcs et des Autochtones, était organisé par les Jésuites du Canada anglais. En 1967, il y a 50 ans, vingt-quatre jésuites ont effectué en canot le même trajet, de la baie Georgienne jusqu’au fleuve Saint-Laurent avant d’accoster sur les terrains de l’Expo 67.