Le cardinal George Pell, âgé de 77 ans, a été condamné à six ans de prison le 13 mars, un peu plus de deux semaines à peine après qu’un tribunal de Melbourne ait autorisé de publier qu’il a été reconnu coupable d’avoir agressé sexuellement deux garçons.
Le cardinal Pell, qui continue de clamer son innocence, fera appel du verdict. La cour a fixé aux 5 et 6 juin l’examen de son appel.
En décembre, un jury l’avait déclaré coupable de cinq chefs d’accusation, dont chacun était passible d’une peine d’emprisonnement maximale de 10 ans.
Le jury a conclu à l’unanimité que le cardinal Pell, peu après avoir été nommé archevêque de Melbourne en 1996, avait agressé sexuellement deux enfants de chœur dans la sacristie de la cathédrale Saint-Patrick de Melbourne. Le verdict de culpabilité concernait un chef de «pénétration sexuelle», en l’occurrence le sexe oral, et quatre chefs d’actes indécents avec ou en présence d’un mineur de moins de 16 ans.
Le juge Peter Kidd a passé plus d’une heure à expliquer le raisonnement derrière sa condamnation et les facteurs qu’il a pris en compte. Il a évoqué à maintes reprises la position d’autorité du cardinal sur les enfants de la chorale et le manque de confiance que ses actions ont causé.
«En raison de votre position, vous étiez un pilier de la cathédrale Saint-Patrick», a déclaré le juge Kidd au cardinal.
«L’impudence de votre conduite est révélateur de votre pouvoir sur les victimes», a-t-il déclaré.
Le juge a également déclaré qu’il devait tenir compte de l’âge et des problèmes de santé du cardinal, notant notamment que le stress de l’emprisonnement exacerberait son hypertension et son problème cardiaque.
Il a dit avoir compris que «chaque année passée en détention» représenterait une grande partie du reste de sa vie. Il a indiqué qu’en raison de son âge, il y a une possibilité qu’il décède avant sa sortie de prison.
Le juge a déclaré qu’il ne considére pas que le cardinal Pell risque de récidiver et a noté que cela faisait plus de 20 ans que les incidents décrits lors du procès avaient eu lieu.
Cependant, il inscrit le cardinal sur le registre des délinquants sexuels jusqu’à la fin de ses jours.
Le cardinal sera admissible à la libération conditionnelle après trois ans et huit mois.
Verdict interdit de publication
Le verdict dans cette affaire a été interdit de publication alors que le cardinal Pell attendait son procès pour d’autres allégations d’abus. Mais lorsque les procureurs ont décidé de ne pas donner suite à la deuxième affaire, un juge a levé l’interdiction de publier le verdict le 25 février.
L’équipe juridique du cardinal a déposé un appel qui sera entendu par la Cour suprême de Victoria pour trois motifs. La première est que la condamnation par un jury composé de 12 personnes est «déraisonnable» car elle repose sur «la parole d’un seul plaignant». Sur cette base, les trois juges d’appel peuvent annuler la condamnation du cardinal Pell et le libérer.
Le deuxième motif d’appel est une plainte de son équipe de défense selon laquelle elle aurait été empêchée d’utiliser un moyen visuel pour montrer qu’il était impossible que les activités sexuelles se soient déroulées dans les coulisses de la cathédrale.
Un dernier motif est qu’il y avait une «irrégularité fondamentale» du juge qui avait vu le cardinal Pell ne pas enregistrer physiquement un plaidoyer de non-culpabilité devant le jury. Les avocats ont déclaré que c’était probablement parce qu’il l’avait fait lors d’un précédent procès où le jury avait été limogé après avoir été incapable de prononcer un verdict, et le juge avait informé le nouveau jury du plaidoyer du cardinal.
Sur les deux derniers motifs – qui seraient des erreurs de droit – le juge d’appel peut annuler le verdict mais doit ordonner un nouveau procès.
Le Vatican se penche sur son cas
Le cardinal australien a pris congé de son poste de préfet du Secrétariat à l’économie du Vatican en juin 2017 pour revenir en Australie et faire face aux accusations. Le mandat de cinq ans du cardinal à la tête du secrétariat a expiré le 24 février.
Le 27 février, juste après la publication du verdict et l’emprisonnement du cardinal Pell, la Congrégation pour la doctrine de la foi a annoncé l’ouverture d’une enquête canonique sur le cardinal. La congrégation gère le processus ecclésial pour les allégations d’abus sexuel sur des enfants par des membres du clergé.
Une des deux victimes est maintenant décédée. Avant le prononcé de la peine, son père, qui poursuit actuellement le cardinal Pell, a publié une longue déclaration.
«À la veille de la condamnation de George Pell, ma détermination à voir cet homme pourrir en prison est plus forte que jamais», y lit-on. «Cela voudra dire qu’il ne pourra plus faire mal à aucun enfant. Cela ne ramènera pas mon fils, mais si Pell est en prison pour toujours, il ne pourra plus détruire de familles comme il a détruit la mienne.»
Outre la poursuite civile, le cardinal Pell pourrait faire face à de nouvelles batailles juridiques. Lorsqu’il était à Melbourne, le cardinal a créé un fonds pour les victimes d’agressions sexuelles qui, une fois indemnisées, renonçaient à leur droit de poursuivre l’Église. Le gouvernement de l’État de Victoria étudie la possibilité de rétablir les droits de poursuite. D’autres plaignants, dont les allégations n’allaient pas jusqu’à un procès, pouvaient également le poursuivre en justice en vertu des lois civiles de Victoria.
Michael Sainsbury à Sydney, Cindy Wooden à Rome et Barb Fraze à Washington
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