Le pape François a aboli l’obligation de secret pour ceux qui déclarent avoir été abusés sexuellement par un prêtre et pour ceux qui témoignent lors d’un procès ou dans le cadre d’un processus religieux concernant des abus sexuels cléricaux.
La personne qui dépose le rapport, la personne qui prétend avoir été lésée et les témoins ne sont liés par aucune obligation de silence en ce qui concerne l’affaire, a ordonné le pape dans une nouvelle Instruction sur la confidentialité des procédures judiciaires, publiée le 17 décembre.
Dans une note d’accompagnement, Mgr Juan Ignacio Arrieta, secrétaire du Conseil pontifical pour les textes législatifs, a déclaré que le changement concernant le «secret pontifical» n’a rien à voir avec le sceau du sacrement de la confession.
«L’obligation absolue d’observer le sceau sacramentel, dit-il, est une obligation imposée au prêtre en raison de la position qu’il occupe dans l’administration du sacrement de la confession et même le pénitent ne peut s’en libérer.»
L’instruction a été publiée par le Vatican en même temps que les changements apportés au Sacramentorum Sanctitatis Tutela (Sauvegarder le caractère sacré des sacrements), le document de 2001 publié par saint Jean Paul II, qui décrit les procédures d’enquête et de jugement de tout membre du clergé accusé d’abus sexuel sur un enfant ou un adulte vulnérable ou accusé de posséder ou de distribuer de la pornographie juvénile.
Pornographie juvénile
Dans le premier amendement, le pape François a modifié la définition de la pornographie juvénile. Auparavant, le sujet était une personne âgée de moins de 14 ans. La nouvelle description du crime comprend l’acquisition, la possession ou la distribution par un clerc d’images pornographiques de mineurs de moins de 18 ans, à des fins de gratification sexuelle, par quelque moyen ou en utilisant quelque technologie que ce soit.
En décrivant les normes procédurales relatives à la composition et au fonctionnement du tribunal de la Congrégation pour la doctrine de la foi, le pape François a supprimé l’exigence que le représentant légal de l’accusé soit un prêtre. Le rôle d’avocat ou de procureur peut être assumé par un fidèle possédant un doctorat en droit canonique, qui est approuvé par le président du collège.
Abolition du secret pontifical
Mais l’abolition du secret pontifical sur tout le processus du Vatican est le plus grand changement qui a été fait. Non seulement les victimes et les témoins sont-ils libres de discuter de l’affaire, mais la loi modifiée précise que l’obligation toujours en vigueur des fonctionnaires du Vatican de préserver la confidentialité «ne doit pas empêcher» l’exécution des obligations prévues en tout lieu par les lois civiles, y compris toute obligation de faire rapport et l’exécution des demandes exécutoires des autorités judiciaires civiles.
Mgr Charles Scicluna, secrétaire adjoint de l’enquêteur en chef de la Congrégation pour la doctrine de la foi et les abus du Vatican, a déclaré à America Magazine que la nouvelle loi stipule clairement que «quiconque divulgue une inconduite ou un crime et quiconque est touché par l’inconduite ou le crime, et les témoins, ne devraient jamais être soumis à un vœu ou une promesse de silence concernant le fait qu’ils ont rapporté».
La nouvelle loi, a-t-il dit, énonce explicitement l’«obligation morale» des personnes de coopérer avec les autorités civiles pour signaler le crime d’abus et enquêter à son sujet. «De plus, il y a une obligation de ne pas lier les personnes qui divulguent une inconduite ou un crime par une promesse ou un vœu de silence», a-t-il expliqué.
Dans un entretien séparé avec Vatican News, l’archevêque Scicluna a qualifié de «changement d’époque» la décision du pape d’abandonner le «secret pontifical» – le plus haut niveau de confidentialité. «Cela signifie, bien sûr, que la question de la transparence est maintenant mise en œuvre au plus haut niveau», a-t-il dit.
Les nouvelles règles ne signifient pas que les documents issus des enquêtes et des procès pour abus du Vatican seront rendus publics, a-t-il dit, mais «ils sont à la disposition des autorités, ou des personnes qui sont parties intéressées, et des autorités qui ont une compétence légale en la matière».
Dans le passé, lorsqu’un gouvernement ou un tribunal demandait au Vatican des informations sur une affaire, la réponse était généralement que le matériel était couvert par le «secret pontifical». Maintenant, a dit Mgr Scicluna, une fois que «toutes les formalités du droit international » sont remplies, la communication avec les autres autorités «et le partage de l’information et de la documentation sont facilités».
Fruit d’une demande
En septembre 2017, les membres de la Commission pontificale pour la protection des mineurs ont demandé au pape François de reconsidérer les normes du Vatican maintenant l’imposition du «secret pontifical» dans le traitement judiciaire par l’Église des abus sexuels cléricaux et des autres crimes graves.
Le secret garantit que les cas sont traités dans la plus stricte confidentialité. Les experts du Vatican ont déclaré qu’il a été conçu pour protéger la dignité de toutes les personnes impliquées, y compris la victime, l’accusé, leurs familles et leurs communautés.
Mais lorsque le pape a convoqué les présidents des conférences épiscopales du monde entier au Vatican pour un sommet sur la crise des abus en février dernier, les victimes et les experts ont demandé une révision de cette politique.
Linda Ghisoni, canoniste et sous-secrétaire pour les laïcs au Dicastère pour les laïcs, la famille et la vie, a déclaré au sommet que la suppression du secret pontifical des cas d’abus inverserait une situation ou l’impression d’une situation où le secret «est utilisé pour cacher des problèmes plutôt que pour protéger les valeurs en jeu», notamment la confidentialité des victimes et le droit de l’accusé à un procès équitable.
Le cardinal Reinhard Marx de Munich et Freising, Allemagne, a déclaré au sommet que la suppression du secret pontifical favoriserait la transparence dans un scandale où le manque de transparence a signifié que «les droits des victimes ont été effectivement bafoués» et «livrés aux caprices des individus».
Dans son commentaire, Mgr Arrieta a noté qu’en mai déjà, avec la publication de Vos Estis Lux Mundi (Vous êtes la lumière du monde) sur les procédures de traitement des allégations d’abus ou de dissimulation d’abus, le pape François avait déjà interdit d’imposer des accords de confidentialité aux victimes.
L’évêque a également pris soin de noter que l’abolition du secret absolu – le «secret pontifical», qui est invoqué sous serment – n’était pas la même chose que la suppression de toute obligation de confidentialité.
Le «secret de fonction» s’applique toujours aux fonctionnaires du Vatican et aux autres personnes impliquées dans une enquête ou un procès d’un ecclésiastique accusé d’abus ou d’un évêque ou d’un supérieur religieux accusé de dissimulation. À l’exception du partage d’informations avec les autorités civiles, le secret professionnel de base sert, comme le dit la nouvelle loi, à protéger «la bonne réputation, l’image et la vie privée de toutes les personnes concernées».
Cindy Wooden
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