Le gouvernement du Québec peut aller de l’avant avec sa Loi concernant les soins de fin de vie. C’est ce qu’a décidé hier la Cour d’appel du Québec qui a annulé un jugement rendu le 1er décembre par le juge Michel A. Pinsonnault de la Cour supérieure.
Il y a trois semaines, le juge Pinsonnault avait invalidé certains articles de la loi québécoise qui devait entrer en vigueur le 10 décembre parce qu’ils étaient «directement en conflit avec les dispositions des articles 14 et 241b) du Code criminel».
L’article 14 mentionne que «nul n’a le droit de consentir à ce que la mort lui soit infligée» alors que l’article 241b) du Code criminel stipule que quiconque «aide ou encourage quelqu’un à se donner la mort» se rend «coupable d’un acte criminel et [est] passible d’un emprisonnement maximal de quatorze ans».
Ces articles ont pourtant été déclarés invalides par la Cour suprême du Canada en février 2015, dans un jugement que l’on appelle l’affaire Carter. La Cour suprême accordait toutefois un délai d’un an au gouvernement fédéral pour qu’il élabore une nouvelle loi qui reconnaîtrait le droit des adultes souffrants et en fin de vie d’avoir recours à une aide médicale à mourir.
D’où cet imbroglio juridique qui mobilise les juristes depuis près d’un an: bien qu’invalidés par la Cour suprême, les articles 14 et 241b) sont-ils toujours en vigueur tant qu’une nouvelle loi canadienne n’a pas été adoptée?
La décision
«Nous sommes d’avis que tant l’effet que les objectifs de l’ordonnance de suspension de la prise d’effet de la déclaration d’invalidité de l’article 14 et de l’alinéa 241b) du Code criminel ne sont pas incompatibles avec l’entrée en vigueur des dispositions de la Loi concernant les soins de fin de vie portant sur l’aide médicale à mourir», ont statué hier trois juges de la Cour d’appel du Québec.
«Au contraire, nous sommes plutôt d’avis que cette ordonnance de suspension vise précisément à permettre au Parlement et aux législatures provinciales qui le souhaitent de légiférer dans les meilleurs délais à l’égard de l’aide médicale à mourir dans leurs sphères de compétences respectives.»
«Cela ne signifie pas que le gouvernement fédéral et le Parlement ne peuvent pas continuer leurs travaux sur l’aide médicale à mourir afin de développer un cadre législatif fédéral qui s’appliquerait tant au Québec qu’ailleurs au Canada», ont précisé les juges Duval Hesler, Hilton et Mainville.
«Si le Parlement adopte éventuellement une législation fédérale valide portant sur l’aide médicale à mourir qui s’applique au Québec, il faudra alors réexaminer les dispositions de la Loi concernant les soins de fin de vie portant sur l’aide médicale à mourir afin de déterminer si elles sont en conflit avec ce cadre législatif.»
Réactions à Québec
À Québec, la ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, s’est réjouie du jugement prononcé hier. Les juges confirment «que la Loi concernant les soins de fin de vie continuera de s’appliquer dans son intégralité».
«La Cour rappelle que les dispositions du Code criminel invalidées dans l’affaire Carter et qui prohibent l’aide médicale mourir ne peuvent empêcher l’entrée en vigueur et l’application de la loi», ajoute la ministre Vallée.
«Nous prenons acte de cette décision mais nous persistons à déplorer ce choix comme réponse à la souffrance en fin de vie», ont de leur côté déclaré les porte-parole de l’organisme Vivre dans la dignité et du Collectif des médecins contre l’euthanasie. «Nous continuerons de défendre le droit des médecins et des membres du personnel de santé de refuser de pratiquer l’aide médicale à mourir ou d’y collaborer d’une quelconque façon.»
Le 8 décembre, soit deux jours avant l’entrée en vigueur de la Loi sur l’aide médiale à mourir, l’Assemblée des évêques catholiques du Québec redisait toute son opposition à cette législation.
«Ce que la nouvelle loi désigne sous le nom d’aide médicale à mourir est, en vérité, l’euthanasie sur demande. Ce n’est pas un soin et ne devrait jamais être associé, de quelque façon que ce soit, aux véritables soins de fin de vie que sont les soins palliatifs», écrit Mgr Paul Lortie, évêque de Mont-Laurier et président de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec.