Près de 300 000 personnes ont pris le temps de répondre au sondage en ligne préparé par le gouvernement canadien sur les modifications à apporter à la Loi sur l’aide médicale à mourir.
Obtenir une tel résultat, au terme d’une consultation en ligne d’à peine deux semaines, «démontre le degré d’engagement des Canadiens à l’égard de ce dossier extrêmement important», a indiqué le lundi 4 février Rachel Rappaport, la porte-parole du ministre de la Justice David Lametti.
Le cabinet du ministre Lametti a réagi à la lettre qu’avait acheminée trois jours plus tôt Mgr Richard Gagnon, le président de la Conférence des évêques catholiques du Canada (CECC), au premier ministre Justin Trudeau. Dans cette missive de quatre pages, l’archevêque de Winnipeg estimait que le sondage mis en ligne le 13 janvier 2020 était «inapproprié, inadéquat et biaisé».
Le 20 janvier, la CECC avait pourtant encouragé les catholiques de tout le Canada à participer à cette consultation en ligne et à «exprimer leur opposition à l’euthanasie et au suicide assisté en indiquant toute inquiétude qu’ils pourraient avoir».
«Même si nous sommes d’accord en principe de consulter les Canadiens et Canadiennes, nous nous opposons au questionnaire conçu par le ministère de la Justice», a écrit le 31 janvier Mgr Gagnon dans cette lettre qui a aussi été remise au ministre Lametti.
«Deux semaines ne sauraient suffire pour étudier ce problème et pour apprendre des leçons qui donnent à réfléchir à partir des expériences faites dans d’autres juridictions où la pratique de l’euthanasie et du suicide assisté est soumise à moins de restrictions.»
L’archevêque déplore que «la façon dont le sondage a été conçu amène les Canadiens et Canadiennes à acquiescer tacitement à l’extension de l’euthanasie avant même de pouvoir exprimer leur opposition ou les inquiétudes qu’ils pourraient avoir».
Les évêques catholiques insistent pour que le gouvernement du Canada, «avant d’aller plus loin» dans les changements qu’il souhaite apporter aux critères d’admissibilité et au processus d’obtention de l’aide médicale à mourir, mène «une consultation plus large, approfondie, impartiale et rigoureuse».
Cette étude des «problèmes inhérents à l’euthanasie et au suicide assisté» – l’épiscopat catholique préfère ne pas utiliser l’expression «aide médicale à mourir» – devrait «impliquer des personnes dont l’expérience offre une perspective différente et présente même des vérités dérangeantes», indique le président de la CECC.
Personnes vulnérables
Les évêques canadiens craignent notamment qu’en élargissant l’accès à l’aide médicale à mourir aux personnes dont «la mort n’est pas raisonnablement prévisible», des personnes vulnérables soient sacrifiées, ont-ils écrit au premier ministre Trudeau.
«L’expérience a montré que les patients et patientes sont plus portés à demander l’euthanasie ou le suicide assisté lorsque leur douleur n’est pas gérée correctement par les soins palliatifs, lorsque leur dépendance d’autres personnes n’est pas suffisamment satisfaite, ou lorsqu’ils sont socialement marginalisés.»
De plus, notent-ils, «les professionnels de la santé, les élus et les décideurs politiques ne doivent pas recourir à l’euthanasie et au suicide assisté pour répondre aux pressions et aux déficiences du système de santé alors qu’une alternative existe déjà, notamment les soins palliatifs».
«Les dangers que nous voyons maintenant au Canada, et ceux que laissent présager certaines expériences ailleurs (notamment l’euthanasie pour la dépression, l’euthanasie des enfants et l’abus des personnes âgées) sont choquants et dérangeants, et n’ont pas de place dans aucune société.»
Selon la porte-parole du ministre Lametti, le gouvernement «reconnaît que l’aide médicale à mourir est une question complexe et très personnelle». Mais il est tout aussi déterminé «à protéger les personnes vulnérables tout en protégeant les droits que la Charte confère à tous les Canadiens».
«La loi canadienne actuelle sur l’aide médicale à mourir exige un examen parlementaire des dispositions de la loi, ainsi que de l’état des soins palliatifs au Canada, à compter du début de la cinquième année suivant son entrée en vigueur, soit à l’été 2020. Cet examen permettra de poursuivre le débat public sur tous les aspects de l’aide médicale à mourir au Canada», assure enfin l’attachée de presse Rachel Rappaport.
Le cabinet du premier ministre Justin Trudeau n’a pas répondu à notre demande de réaction à la lettre du président de la CECC.
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