«Nous savons que l’engagement de Padre Melo et de nos collaborateurs laïcs est difficile à soutenir dans le contexte actuel au Honduras et qu’ils font souvent l’objet de menaces de mort. Nous craignons qu’avec les allégations qui circulent actuellement, la perte de l’appui de certains groupes et de certains responsables de notre Église n’aggrave encore le danger auquel ils sont exposés.»
Dans une déclaration publique polie mais ferme émise le mardi 30 juillet, les jésuites de tout le Canada réagissent à l’enquête que mènent les évêques canadiens ainsi que Développement et Paix sur les activités de la Fundación ERIC et de Radio Progreso au Honduras, deux oeuvres dirigées par leur confrère, le père Ismaël Moreno Coto, appelé Padre Melo.
«Profondément ancré dans les valeurs évangéliques et motivé par sa foi chrétienne, Padre Melo consacre sa vie à la défense des droits fondamentaux des personnes les plus marginalisées et les plus vulnérables dans son pays natal. Son travail a été reconnu internationalement par l’Église et par des organisations civiles», prennent-ils la peine de rappeler aux évêques ainsi qu’à l’organisme de solidarité internationale fondé par l’Église canadienne en 1967.
À la mi-juillet, le secrétaire général de la Conférence des évêques catholiques du Canada (CECC) a acheminé un courriel contenant une lettre «très importante et confidentielle» au jésuite Moreno.
La lettre lui demandait de clarifier les opinions des deux groupes qu’il dirige sur la question de l’avortement. Les recherchistes de la conférence épiscopale ont revelé, écrit-on, de nombreuses fois le terme «avortement» dans leurs pages Web conjointes. Ils s’inquiètent par ailleurs qu’une collaboratrice, qualifiée dans la lettre signée par la présidente de Développement et Paix et par un évêque canadien, de «lesbienne autoproclamée et une féministe pro-avortement qui défend le droit à l’avortement», rédige des textes dans ce site.
Le jésuite a vivement réagi à la demande conjointe des évêques et de Dévelopement et Paix, rendant publique une lettre de cinq pages où il répond à toutes les questions posées et déplore le ton «aussi glacial que l’hiver canadien» de la note qu’il a reçue.
Menaces de mort
«Le travail de Padre Melo et de son équipe a entraîné pour eux de graves conséquences: ils ont reçu d’innombrables menaces de mort, à tel point qu’il est lui-même actuellement sous la protection de la police. Des membres de son équipe et de proches collaborateurs ont payé leur engagement de leur vie», ajoutent les Jésuites du Canada dans leur déclaration publique, publiée en français et en anglais. Si Développement et Paix cessait de subventionner ces gens, cela ne ferait qu’aggraver «encore le danger auquel ils sont exposés».
La congrégation religieuse se dit par ailleurs préoccupée «au plus haut point» par l’enquête que mène la CECC depuis 2018 sur les oeuvres jésuites du Honduras.
«Nous espérons que les critères utilisés dans le processus d’examen en cours s’inspirent d’une interprétation complète de l’enseignement social de l’Église et de sa défense de la vie dans toutes ses dimensions, à chacune de ses étapes et dans toute sa diversité, sans oublier la dénonciation de la pauvreté comme affront à la dignité des femmes et des hommes, la promotion de la paix, la protection des droits de la personne et la sauvegarde de l’environnement», écrivent les dirigeants canadiens de cette congrégation religieuse internationale.
Les jésuites souhaitent que Développement et Paix ainsi que la conférence épiscopale canadienne continuent «de soutenir nos frères et soeurs dans le besoin, et qu’ils le feront dans la clarté et la transparence, avec le plus grand respect, en replaçant les enjeux dans leur contexte, et sous le signe de la charité chrétienne dont ils font preuve depuis des décennies».
«Nous espérons que les critères, le processus d’examen et ses conclusions seront objectifs et surtout qu’ils refléteront l’idéal de miséricorde et de justice auquel nous appelle l’Évangile», ajoutent-ils.
En mars 2019, les jésuites canadiens avaient déjà manifesté leur soutien au Padre Melo.
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