Jusqu’à récemment directrice du Service national pour l’évangélisation des jeunes et pour les vocations de la Conférence des évêques de France, Nathalie Becquart était auditrice au récent synode sur les jeunes, la foi et le discernement vocationnel. De passage au Québec à l’invitation du Centre PRI, le temps d’un café, la religieuse xavière discute de ce synode et des changements que doit adopter l’Église catholique si elle espère mieux accompagner la jeunesse.
Présence: Vous affirmez qu’une clé de la présence de l’Église auprès des jeunes passe par un modèle d’évangélisation par les pairs. Mais comment est-ce possible dans une société où de moins en moins de jeunes connaissent l’Église, voire les Évangiles?
Nathalie Becquart: Je connais moins la situation au Québec. Mais on se rend compte que c’est la manière que Jésus a proposée. Trois catégories de gens l’ont suivi: les apôtres, les disciples et la foule. Jésus a pris beaucoup de temps pour former des apôtres qui seront eux-mêmes envoyés en mission.
On découvre aujourd’hui, dans ce monde en mutation, avec des écarts générationnels qui sont assez grands, que les meilleurs évangélisateurs des jeunes, ce sont les jeunes eux-mêmes. Ils ne sont pas des milliers, il est vrai, mais en les accompagnant, en leur faisant confiance, en leur confiant des responsabilités, ils vont être en capacité de rejoindre d’autres jeunes.
Un modèle développé en France pour l’évangélisation, c’est le travail en binôme, le travail en équipe. Les jeunes apportent un regard et une connaissance de leur génération que leurs aînés ont moins. C’est notamment ce qui est ressorti du synode. Dans la rencontre intergénérationnelle, dans le travail ensemble, il y a quelque chose de très heureux qui se passe.
L’Église n’a-t-elle pas perdu toute crédibilité auprès des jeunes?
Ce que les jeunes rejettent massivement, ce sont les institutions. Il y a une crise de toutes les institutions, pas seulement de l’Église. C’est aussi le cas des syndicats, des partis politiques et même des médias.
Ce que les jeunes réclament, et c’est là un des fruits du synode, c’est une Église de la relation. L’Église, c’est d’abord des personnes, des baptisés. L’enjeu, pour la pastorale et pour l’évangélisation, c’est de mettre la relation au centre.
Regardez le pape François. Il parle à tout le monde, pas seulement aux baptisés. C’est son style de communication, c’est sa manière d’entrer en relation avec les autres, toujours dans une grande proximité.
Si les chrétiens adoptent cette attitude, cette relation passera d’abord par l’écoute. Si vous rejoignez les jeunes pour marcher avec eux, vous allez les écouter et entendre leurs préoccupations. Dans ce chemin qui se fait, dans cette relation de confiance qui se crée, des choses peuvent se passer.
Aujourd’hui, la grande mutation à vivre pour les religions et notamment l’Église, c’est de sortir des structures. Et ce n’est plus la fonction qui vous donnera une crédibilité. Mais c’est plutôt la relation que vous allez instaurer.
Le pape multiplie les invitations à se rendre aux périphéries. C’est là que se trouvent les jeunes?
Les questions de migration, d’écologie et de monde numérique ont été très présentes lors du synode. Sur ces sujets, l’Église a pris conscience que ce sont les jeunes qui sont aux avant-postes et qu’on a à travailler avec eux sur ces questions. Si l’Église veut vraiment être avec les jeunes, c’est là qu’elle va les trouver.
La jeunesse veut changer le monde, elle veut s’engager. Mais elle a des modes d’action qui sont différents des générations précédentes. C’est à nous de modifier le logiciel pour mener des projets ensemble.
L’Église change lentement. Mais ce qui a été une prise de conscience très forte au synode, c’est qu’elle doit changer, qu’elle doit bouger. Le contexte actuel avec la question des abus sexuels fait prendre conscience qu’on ne peut plus continuer comme avant. Qu’il faut changer. Ce synode, en ayant vraiment écouté les jeunes qui ont dit qu’ils voulaient un autre style d’Église, constituera à mon avis un tournant, une étape historique.
D’ailleurs, j’ai été témoin, au Vatican, que les jeunes ont déjà fait bouger la machine. Cela me donne beaucoup d’espoir pour la suite.
L’enjeu maintenant, c’est que partout dans le monde, l’esprit du synode puisse se vivre aussi localement. C’est une invitation à prendre le risque de vraiment écouter les jeunes et d’inventer avec eux. C’est la fin d’une forme d’Église, mais ce n’est pas la fin du monde. Autre chose est possible. Il faut apprendre à se situer autrement, dans un nouveau contexte historique, très pluriel. Mais l’Esprit saint travaille.
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