Des religieuses souvent employées pour des tâches domestiques peuvent être victimes d’exploitation, rapporte un magazine publié au Vatican.
«Les religieuses sont considérées comme des volontaires que l’on peut avoir comme on le souhaite, ce qui donne lieu à de véritables abus de pouvoir», a déclaré une religieuse identifiée seulement comme sœur Cécile.
Son témoignage est paru dans le magazine mensuel Women Church World, publié le 1er mars avec le journal du Vatican, L’Osservatore Romano.
Sœur Cécile était l’une des trois religieuses interviewées – et sous des pseudonymes – par un journaliste français basé à Rome pour l’exposition intitulée «Le travail (presque) gratuit des religieuses».
L’article décrivait comment les femmes religieuses sont souvent choisies pour fournir les services domestiques de cuisine, de nettoyage et de blanchiment aux cardinaux, aux évêques, aux paroisses et aux autres structures d’Église, mais avec peu ou pas de compensation financière à leurs communautés religieuses, de contrat ou d’horaire de travail comme les laïcs.
«L’idée que les femmes religieuses ne travaillent pas avec un contrat, qu’elles soient là pour de bon, que les conditions ne sont pas stipulées», a déclaré sœur Marie, crée des situations marquées par l’«ambiguïté» et souvent une «grande injustice».
La longue histoire des congrégations religieuses mises en place pour servir et se donner gratuitement aux autres a créé pour certains dans l’Église la conviction que la compensation n’a pas sa place «dans l’ordre naturel des choses pour tout service que nous offrons», a noté sœur Cécile.
Le manque de compensation financière est un problème réel et urgent, a renchéri sœur Paule, car comment les communautés religieuses peuvent-elles trouver les ressources nécessaires pour soutenir leurs membres, leur formation et leurs soins de santé?
Même les prêtres demandent aux sœurs un don symbolique pour avoir célébré la messe à leur chapelle, a déclaré sœur Cécile, notant qu’elle demande maintenant expressément une compensation pour les allocutions.
Un manque de reconnaissance ou de respect est également un problème, ont dit les trois femmes, car il semble souvent que leur travail soit considéré comme moins précieux ou moins apprécié que celui des hommes consacrés.
Sœur Marie se demande comment un prêtre peut laisser une femme religieuse lui servir son repas pour ensuite «la laisser manger seule dans la cuisine une fois qu’on l’aura servi».
«Notre consécration n’est-elle pas la même que la leur», se demande-t-elle, notant que «les femmes consacrées et les nonnes» finissent presque toujours «comme domestiques pour les hommes consacrés».
«Derrière tout cela, malheureusement, il y a toujours l’idée que les femmes valent moins que les hommes et, surtout, qu’un prêtre est tout alors qu’une sœur n’est rien dans l’Église. Le cléricalisme tue l’église», a déclaré sœur Paule.
Elle a rappelé le cas d’une religieuse qui a servi un endroit pendant 30 ans et quand elle est tombée malade, «aucun des prêtres qu’elle a servis n’est allé lui rendre visite», ajoutant que souvent les femmes sont déplacées «comme si nous étions interchangeables».
Selon sœur Paule, les affectations ne peuvent pas non plus profiter des qualifications d’une femme, expliquant qu’elle connaissait des sœurs titulaires d’un doctorat en théologie et qui étaient affectées à des tâches de cuisine et de nettoyage «sans explication».
Les ordres des femmes elles-mêmes peuvent contribuer au problème, a déclaré sœur Marie. Par exemple, a-t-elle dit, les supérieures empêchent parfois une sœur d’avancer dans une profession particulière pour éviter de mettre l’accent sur un individu et renforcer l’importance de la communauté.
Les religieuses des pays plus pauvres peuvent avoir peur de s’exprimer, a déclaré sœur Marie, si elles se sentent redevables à leur communauté de son soutien envers elles ou les membres de leur famille restés au pays.
«Certaines disent qu’elles sont heureuses, qu’elles ne voient pas le problème, mais elles ressentent toujours une tension intense», tandis que d’autres peuvent se tourner vers des sédatifs pour composer avec la situation, a-t-elle ajouté.
«Parfois, les gens critiquent les femmes religieuses, elles ont l’air fermées […], mais derrière tout cela, il y a beaucoup de blessures», a déclaré sœur Cécile.
Sœur Marie a dit que cela peut être une lutte spirituelle pour certaines femmes parce que «Jésus est venu nous libérer et nous sommes tous des enfants de Dieu à ses yeux».
«Mais certaines sœurs ne vivent pas cela dans la vie réelle et elles éprouvent une grande confusion et un profond découragement», a-t-elle dit.
L’auteur a dit que certaines religieuses croyaient que leurs vœux de pauvreté et d’obéissance ne pourraient devenir une richesse pour l’église si «la hiérarchie masculine voyait cela comme une occasion pour une véritable réflexion sur le pouvoir».
Carol Glatz